Comment se passe la rencontre d’un athée et de quatre religieux qui discutent ensemble de la séparation entre état et religion dans un pays islamique ? Le dernier documentaire de Mehran Tamadon ose ce pari audacieux.
Dans son dernier documentaire Iranien, Mehran Tamadon raconte la lutte entre religieux et laïcs en Iran. Dans une même maison, il passe deux jours à débattre de la question avec quatre mollahs tenants de l’aile la plus conservatrice du régime.
Mehran Tamadon quitte Paris, laissant femme et enfants pour retrouver un Teheran bouillonnant. La démarche de son film est audacieuse dans un pays dirigé par des politiciens issus de la nomenklatura religieuse. Même s’il se trouve que l’idée du documentaire n’est pas totalement nouvelle. Montesquieu, dans ses Lettres persanes, utilisait le discours de lointains étrangers pour faire réfléchir les lecteurs sur la société française de l’époque. Mehran, lui, renverse cette logique. Il va parler avec ces religieux de l’expérience qu’il a vécue en France, pays où il réside depuis de nombreuses années. De comment fonctionne la séparation entre Etat et religion en France, où se place la limite de la liberté de religion, d’habillement. Il prend ces exemples comme base de débat pour questionner la société et la politique en Iran.
Un microcosme représentatif d’une société
Une fois les quatre religieux installés avec leurs familles que nous verrons peu, le salon devient rapidement un lieu d’échanges, le lieu public représentant la société où le groupe va discuter de chaque sujet, manger et même prier. Motivant intellectuellement, Iranien titille aussi une certaine schizophrénie iranienne, tiraillée entre un désir de modernisation soutenu par une partie du peuple et des autorités religieuses qui, malgré bien des efforts, restent ancrés dans le concept de l’Etat religieux. Iranien reste aussi drôle par l’entêtement de certains mollahs qui accusent le réalisateur avec un grand sourire et beaucoup d’humour d’être un dictateur car il aspire à « imposer une idéologie républicaine dictatoriale ».
L’œuvre a le mérite de montrer une partie des débats qui bousculent l’Iran d’aujourd’hui. Si ces quatre religieux n’ont pas fait cette expérience par pure curiosité, Mehran dit avoir attendu trois ans avant d’arriver à convaincre des mollahs de venir. La plupart d’eux auraient eu peur pour leur image, de venir chez un athée et de l’image qu’ils renverraient à leurs collègues. Les quatre qui ont accepté de venir ne sont pas les plus modérés du régime et répètent en souriant que ce documentaire est un bon moyen de convertir en Europe. Ils ont vu dans ce documentaire un outil de communication pour améliorer leurs images en dehors d’Iran.
Mehran est à saluer pour sa capacité de compréhension, son humour et une certaine patience. Les quatre religieux ne vont pas l’épargner intellectuellement et ceux qui attendent une victoire de l’athée sur les religieux risquent d’êtres déçus. Le documentaire est avant tout un hommage vibrant au pouvoir de la parole et du débat politique.