Entre deux Doum et un Tac, les sons à la base de l’apprentissage oral de la pratique du oud et qui sont à l’origine du nom de ce lieu original, un music hub propose dans le quartier tranquille de Sioufi à Beyrouth une approche alternative de la musique. Joe Elias cofondateur d’Onomatopoeia nous fait découvrir cet espace inspirant.
En arrivant dans les locaux de cette ONG libanaise, entre les habitués du café, les apprentis violonistes et oudistes et les bribes des répétitions de Safar, un délicieux duo libanais, on ne peut que se réjouir de découvrir une adresse jalousement gardée et d’échapper quelques heures au brouhaha beyrouthin.
Onomatopoeia est une plateforme dédiée à la musique et aux musiciens. Eclectique dans ses choix musicaux et culturels et soucieuse de la dimension sociale de sa démarche, cette institution partage son programme d’activités entre apprentissage pratique, diffusion et sensibilisation. L’espace qu’elle occupe, un appartement en partie transformé pour les besoins du lieu, lui permet d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée et de favoriser les rencontres entre les différents profils et générations de musiciens.
La musique pop n’est pas la seule issue
« On a voulu offrir un espace de performance aux musiciens pour qu’ils ne soient pas qu’un divertissement dans les cafés ou dans les bars comme c’est trop souvent le cas au Liban » nous confie Joe. L’association tend en effet à soutenir la scène musicale libanaise émergente et à disséminer une culture musicale plurielle. C’est d’ailleurs pour ça que tout a commencé, dépasser les frontières de la musique pop, trop présente dans le contexte libanais au goût des fondateurs d’Onomatopoeia. « Paradoxalement, même si les jeunes connaissent la musique arabe traditionnelle et qu’ils ont accès à tout ce qu’ils veulent avec internet, ils ne sont pas conscients que la musique ne se limite pas à la pop dans laquelle on baigne à longueur de journée. Au conservatoire, la formation se concentre comme ailleurs sur le classique », précise Joe, qui en plus de son job de designer est en charge de la communication et de l’organisation des événements chez Onomatopoeia. En 2012, Joe et deux amis, Alain et Youssef, trois jeunes trentenaires passionnés mais aux trajectoires professionnelles éloignées du domaine musical – Alain et Youssef évoluant respectivement dans le marketing et le business – déplorent l’absence d’une sérieuse sensibilisation musicale des jeunes. La joyeuse bande de musiciens amateurs a alors une idée folle : créer une plateforme alternative totalement dédiée à la musique.
« Au Liban, on se plaint beaucoup de toutes les choses qui ne fonctionnent pas comme on le voudrait, mais plutôt que de continuer de nous plaindre, on s’est dit que nous aussi on pouvait entreprendre quelque chose et faire la différence dans un domaine qui nous tient à cœur », poursuit Joe. Avec l’aide de leurs amis du milieu, beaucoup d’enthousiasme et en engageant leurs propres fonds, ils ont eu besoin de quelques mois pour que leur projet voit le jour, fin 2013.
Aujourd’hui, dans les murs d’Onomatopoeia, on compte un studio d’enregistrement, deux salles de musique où chacun peut prendre des cours individuels et personnalisés avec des professionnels, un espace de rencontre qui de jour complète l’agréable terrasse extérieure transformée en café et qui, la nuit tombée, accueille les activités collectives telles que les cycles de conférences abordant l’histoire d’un genre ou une personnalité, les ciné-music et des performances live de groupes locaux. Avec de telles ambitions et une telle offre, Onomatopoeia est donc devenu un acteur qui compte pour la scène culturelle beyrouthine. Espace aussi original qu’essentiel dans le paysage beyrouthin, Onomatopoeia fait partie de ces initiatives culturelles innovantes qu’on a envie de soutenir et de voir fleurir un peu partout.