Nous rencontrons Jack Lang quelques jours avant l’inauguration des expositions sur le Maroc au Louvre et à l’Institut du monde arabe. Les mots que nous échangeons avec l’homme politique, président de l’Institut du monde arabe depuis 2013 portent un regard nouveau sur la culture arabe, son histoire et son devenir.
Une soirée électro-chaâbi à l’Institut du monde Arabe ? Jusqu’ici, l’IMA s’est toujours distingué par des programmations culturelles traditionnelles de qualité. Cependant, partant du constat de l’insuffisance de la composante contemporaine dans celles-ci, Jack Lang nous explique qu’il a « souhaité mettre à l’honneur les héritages actuels et le renouveau consécutif à la révolution arabe ».
La révolution (de l’institut du monde) arabe
Les deux versions de l’Arabic Sound System, qui ont transformé l’Institut en véritable dancefloor endiablé s’inscrivent notamment dans cette volonté d’organiser des événements exprimant les aspirations et les blessures de la jeunesse arabe. Cette stratégie osée et novatrice ayant suscité notre intérêt, nous lui demandons si ce n’est pas, par la même occasion, un moyen d’attirer un public plus jeune à l’IMA. Question à laquelle il répond par l’affirmatif sans plus hésiter. Pour Jack Lang, l’IMA appartient à tous. Il semblait donc naturel que les jeunes trouvent le chemin de cet institut qui est aussi le leur. En multipliant les initiatives et en mettant à l’honneur toutes les formes d’art, traditionnelles ou contemporaines, Jack Lang veut « célébrer l’innovation dans le monde arabe ». Pour lui, il faut veiller à ne pas se laisser emprisonner par une conception hermétique de la culture et accueillir des manifestations des cultures alternatives en gestation dans le monde arabe.
On nous présente le monde arabe à travers des lunettes lugubres. S’il est vrai que les guerres et la violence qui le traversent sont tristement réelles, il est également agité d’une effervescence innovatrice dans des domaines aussi différents que la création, l’écologie, les sciences ou l’économie.
Le Maroc contemporain à l’IMA, le Maroc historique au Louvre
C’est d’ailleurs dans ce même esprit que s’ouvre demain un grand événement sur le Maroc contemporain. Fruit d’une double alliance, celle de la France avec le Maroc, pour l’échange d’œuvres d’art et d’artistes et celle du Louvre avec l’Institut du monde arabe pour un partenariat institutionnel, le Maroc se retrouve partout dans la capitale française. Tandis que le Louvre accueillera un volet historique, avec une exposition autour du Maroc médiéval, l’IMA s’habillera, quant à lui, des couleurs et des arts du Maroc contemporain avec une programmation riche et variée que nous chroniquerons pour vous jusqu’à fin janvier.
Une question se pose alors, pourquoi le choix du Maroc, en particulier ? Notre égo patriotique se flatte alors d’entendre que : « le Maroc fait figure d’exception à bien des égards. C’est un pays qui, après les printemps arabes a entrepris un processus de démocratisation qui n’est, certes, pas achevé mais en devenir, et c’est aussi un pays qui revendique et assume la diversité de ses héritages culturels ». Ainsi, célébrer le Maroc à l’Institut du monde arabe, serait une manière de tisser un pont entre ces deux univers en rendant la diversité marocaine intelligible par un public français, lui-même en quête d’une diversité dont le Maroc est un élément.
Le Maroc est fier de ses origines et héritages africains, arabes, berbères et hébraïques. C’est là quelque chose d’unique. Bien qu’elle soit vécue différemment, cette diversité est d’ailleurs un point commun avec la France. La France est un pays traversé par des contradictions, des malentendus et des incompréhensions en lien avec cet appel à la diversité. Comme pour le Maroc, la France est un pays dont la réalité marquée par le sceau de la diversité et du métissage.
Lancées sur ce sujet, nous interrogeons alors M. Lang sur son rapport personnel au pays. C’est ainsi qu’il nous parle « d’un pays plein de séduction, de force et de magie auxquels nul ne peut être insensible ». « Il est d’une beauté stupéfiante. En même temps, on trouve un sens de l’humain et de l’hospitalité, une ouverture aux autres cultures ». L’homme politique évoque aussi « des aspects moins positifs comme les inégalités sociales et la pauvreté », mais pense que « le Maroc a beaucoup de potentiel ».
Cependant, que les non Marocains se rassurent, « la passion marocaine n’est pas exclusive« , déclare Jack Lang. Il n’est pas exclu que dans les prochaines années d’autre pays soient mis en valeur. Patience ! D’autres événements sont également en préparation. Jack Lang évoque en effet le projet d’organiser le mois de janvier prochain autour des facettes du renouveau arabe, en mettant en valeur à travers des témoins, les acteurs de cette renaissance.
En attendant, nous vous ferons découvrir les multiples facettes du Maroc contemporain en chroniquant régulièrement les événements de l’IMA sur ONORIENT.
Propos recueillis par Hajar Chokairi et Ghita Chilla