My Sweet Pepper Land raconte la transition du Kurdistan, tiraillé entre une population tentée par la modernisation et une autre encore profondément traditionnelle, à travers le parcours engagé de Baran et Govend.
Au carrefour de la Turquie et de l’Iran, un village perdu dans les montagnes du Kurdistan irakien, lieu de tous les trafics, va voir arriver Baran, officier de police muté récemment dans le secteur. Le nouvel officier de police est un ancien combattant kurde pour l’indépendance, il doit désormais lutter contre un mal local, l’absence d’Etat de droit dans une vallée reculée du Kurdistan. Baran va faire la connaissance de Govend, nouvelle institutrice du village, une jeune femme autant belle qu’insoumise. Les deux protagonistes fuient la pesanteur de leurs milieux respectifs, mais aussi leurs familles, qui veulent les marier de force. Govend et Baran sont les exemples parfaits de la transition que vit la région. Ils veulent avoir le droit de choisir leurs vies, leurs conjoints et leurs métiers, sans le consentement de leurs familles. Et surtout, dans le cas de Govend, sans que les mâles dominants n’aient leur mot à dire. Govend va entretenir une relation amicale avec Baran, le seul homme avec lequel elle se sent en sécurité puisqu’il n’existe aucun rapport de domination entre eux, pendant que les ragots commencent à fuser, qualifiant cette relation de suspecte.
Qualifié d’eastern, My Sweet Pepper Land n’est pas loin de cette définition, les réalisateurs revendiquent même ce concept de western oriental. On retrouve d’ailleurs tous les éléments-clés du western dans la construction de ce long métrage, la petite ville, le shérif, le méchant mais le tout de manière très adaptée au contexte, mêlant traditions kurdes et paysages de montagnes.
En arrière-scène, un groupe de malfrats fait régner la terreur dans le village, où le policier Baran reste l’étranger. Ces hommes violents et influents, grâce aux guerres passées, n’acceptent pas qu’une femme puisse travailler sans l’autorisation d’un homme. Ils n’acceptent pas non plus qu’elle puisse rester seule dans une pièce avec un homme s’il n’est pas son mari. Ces hommes refusent toute modernisation du village, ils refuseront aussi la mise en place d’une réelle justice, police, de véritables soins de santé. Le policier ne peut alors compter que sur l’aide de son adjoint, un personnage pittoresque au possible qui se demande souvent si Baran n’est pas complètement fou. Qui, en effet, serait assez inconscient pour défier le parrain de la mafia locale ?
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=3nPcOGokX_0[/youtube]Le film montre une des plus intéressantes facettes de la société kurde qui est celle des femmes combattantes qui prennent le maquis pour combattre pour l’indépendance du Kurdistan, le plus souvent contre l’armée turque. Combattre pour l’indépendance c’est aussi combattre le machisme, les traditions en prouvant que les femmes sont les égales des hommes. La musique est l’élément clé qui illustre ce décalage entre deux mondes qui s’affrontent, entre ceux qui restent attachés aux traditions, aux fidélités locales et ceux qui se modernisent. La musique traditionnelle accompagne les passages du film où les habitants du village s’opposent à toute forme de modernité et de liberté, surtout de la part de Govend, qui écoute des chants occidentaux, joue d’un instrument et le fait résonner dans les montagnes.
My Sweet Pepper Land est une toile mêlant humour et tragédie tout en dressant le portrait d’une population tiraillée entre deux extrêmes, avançant malgré elle vers une modernité plus que jamais nécessaire. Ce long métrage reste un incontournable sur la construction du nouvel Etat kurde et la quête d’indépendance permanente des ses citoyens.