Loin des calculs démographiques visant à déterminer le moment où les Arabes israéliens seront majoritaires, Hiam Abbass les sort de la méconnaissance. Héritage est le portrait d’une société en proie à ses contradictions et à celles de l’histoire.
Le film prend place dans le nord de la Galilée, une région d’Israël peuplée pour moitié d’arabes. La guerre fait rage entre Israël et son voisin libanais, comme souvent. Les avions de chasse, les explosions, et les sirènes anti-roquettes font office de fond sonore. C’est dans ce climat hostile que se tient le mariage de la fille d’Abou Majd. L’occasion d’une réunion familiale où se retrouvent trois générations. Toutes différentes par leurs aspirations et leurs vécus, mais restent rassemblées par les liens de sang et la difficulté d’être arabe citoyen d’Israël. Ils vivent à leur façon le fardeau d’être dans un Etat où on est un citoyen de seconde zone, confronté au poids des traditions au fur et à mesure que circulent les idées et les valeurs.
Hajar est sans doute le personnage qui représente le mieux ce décalage social et culturel. Son amour pour Matthew est incompris par sa famille. Comment ose-t-elle sortir du giron familial, de la tribu, de l’arabité ? La rupture est consommée entre sa famille et Hajar, qui rêve d’être libre là où la société veut la cantonner à son rôle immémorial. Chaque scène du film est l’occasion d’interroger cette complexité. Les personnages subissent les stigmates du hasard et de la violence de l’histoire. Ahmad, politicien traitant avec les Israéliens, est souvent qualifié de collabo. Marwan, marié à une chrétienne, porte le poids d’un mariage détesté par sa belle famille et sa communauté.
Héritage nous raconte le conflit d’un point de vue qu’on aurait tendance à ignorer. Un combat culturel et sociétal que Hiam Abbas décrit de manière subtile, parfois drôle, mais souvent, comme dans la réalité, assez tragique.