Religion et condition féminine, tels sont les sujets chers à Zoulikha Bouabdellah qui se joue à nouveau des interdits et n’hésite pas à basculer les codes pour présenter une première exposition personnelle. L’envers et L’endroit est à découvrir à la Galerie Anne de Villepoix à Paris.
Zoulikha a dû quitter jeune l’Algérie pour donner libre cours à son imagination créatrice en France. Travaillant aujourd’hui à Casablanca, elle puise dans son identité plurielle et ses influences multiples pour présenter une série d’oeuvres pour le moins engagée et déroutante. Rien de surprenant pour la détentrice du prix Meurice pour l’Art Contemporain en 2008 et celui d’Abraaj Capital Art Prize en 2009.
Dès qu’on pousse les portes du 43, rue de Montmorency, l’on se retrouve devant l’installation Silence : les talons de 30 paires d’escarpins viennent s’installer délicatement au centre de tapis de prière gisants sur le sol. Troués pour accueillir ces accessoires féminins, les lits en velours rouge et bleu dédiés habituellement au rituel religieux se plaisent à accueillir un nouvel espace désacralisé. L’oeuvre interroge donc directement le statut de la femme dans son rapport au divin et remet en question ces frontières dérangeantes entre sacré et profane.
Par sa force suggestive, l’ensemble de collage Erotic Cuttings laisse percevoir sous des rosaces, des scènes de revues pornographiques qui mettent le spectateur en position de voyeurisme et se moquent de toutes ses frustrations. Toujours munie de ses paires de ciseau, l’artiste réalise de plus grands formats de collages dans Nus. De belles odalisques trouvent ainsi leur aise sur un fond qui n’est pas sans rappeler des motifs orientaux.
Et quand notre regard cherche à scruter les autres compositions présentées, Rasoir, une installation mobile, vient briser la quiétude ressentie entre les murs blancs de la galerie. Suspendus au centre de la pièce devant un ensemble de lames d’acier, les fentes des Couteaux s’allongent telles des minarets et suggèrent la vérité déconcertante de l’omniprésence de la mort dans chaque existence. Une existence qui se plait, à l’instar de l’oeuvre de Zoulikha, à agiter toutes les contradictions possibles puisque chaque vie comporte et rappelle son antithèse, la mort.
Prenant conscience de la friction interne que peut ressentir chaque individu perdu entre ses croyances, ses ambitions pieuses et ses désires charnels, l’on comprend mieux l’intitulé de l’exposition, L’envers et l’endroit, qui s’inspire ainsi de la première oeuvre de Camus.
Accepter ou se rebeller, admettre ou réfuter le malaise qui découle de ces paradoxes permanents est garant de la continuité.
Pour ceux qui souhaitent découvrir de près le travail de l’artiste, cette dernière est actuellement exposée au musée d’art moderne et contemporain de Frankfurt, et ce jusqu’au 27 juillet, à l’exposition The Divine Comedy de Simon Njami où il est également possible d’apprécier des pièces de Aîda Muluneh, Moataz Nasr, Ghada Amer, Nabil Boutros et bien d’autres…
Photos : Actuart.org