C’est au Festival Arabesques, à Montpellier, que nous avons rencontré Halim Mahmoudi. Un illustrateur qui se pose des questions sur le monde qui l’entoure et exprime ses préoccupations dans un langage universel. Portrait.
Anxieux de nature, Halim Mahmoudi a du mal à se mettre en avant. « Mes oeuvres sont un moyen de me rassurer, je marche d’abord à la culpabilité » nous confie l’artiste aux inspirations multiples. Ce qui conduit son travail est avant tout une quête d’amour, l’amour de l’autre, parler d’amour, l’amour propre, la violence par amour. Toutes ces thématiques travaillent profondément l’artiste et conduit aux deux œuvres remarquables que sont Arabico et Un monde libre. Arabico, sa première bande-dessinée, est le fruit du vécu de l’artiste. Un ouvrage où il tente de représenter ce qu’il nomme des fantômes, « des invisibles vivant non dans des zones de non droits mais dans des zones invisibles, qui n’existent pas pour la majorité de la population« . Son dernier ouvrage, lui, s’aventure dans les sentiers du roman graphique mais garde toujours un fil conducteur avec ses débuts. Un monde libre a pour personnage central le héros de la BD Arabico, mais le met en situation dans un contexte différent. La bande dessinée narre l’histoire de Khalil, personnage principal devenu adulte, marqué par de multiples drames personnels dans une cité sensible dans laquelle il vit avec sa famille. Il va alors tenter de s’échapper de cet univers violent et hostile en se plongeant dans l’écriture pour tenter d’accéder à un monde libre. Une histoire qui ne vient pas de nulle part lorsqu’on retrace le parcours de l’illustrateur.
Entre les murs de sa cité, Halim Mahmoudi se rend rapidement compte qu’il est condamné à vivre une permanente quête d’identité. Malgré cette perspective peu réjouissante et son évolution dans un monde parfois présenté comme binaire, il va décider de rire de la vie en la dessinant, caricaturant chaque thème sans aucun tabou. C’est ainsi qu’il s’évadera des carcans européens, peu satisfait de la situation en France. « Dans ce pays, les beurs sont beurlistés, les blacks sont blacklistés, il y a un jeu de mots mais là réalité est là, la France est un pays ultra fermé, pas en avance du tout« , déplore-t-il. Il s’envolera alors au Canada, où il s’adonnera pleinement à sa passion. Le Québec le marquera par son multiculturalisme affirmé, une société qui « assume bien plus son côté cosmopolite que l’Hexagone« . Immergé dans cette société si proche et si différente, il va apprécier la rencontre de l’autre dans une atmosphère moins stigmatisée que dans son pays d’origine. De retour en France, il va travailler avec des journaux comme Bakchich et Intramuros, mais ne s’arrête pas là et collabore aussi avec des entreprises et organismes allant de Danone à RESF.
En adoptant une démarche singulière dans le paysage français de l’illustration, Halim Mahmoudi bat en brèche une conception duale toujours prégnante en France. Électron libre, critique par rapport aux politiques, il assure qu’il peut travailler tout autant avec un quotidien comme Libération, qu’avec Le Figaro. Il tient à faire connaître son travail, quelque soit le média. Chaque journal étant unique, il évite ainsi d’être mis dans une case, celle de caricaturiste de journaux contestataires. « Je préfère être dans un journal national, faire connaitre mon travail, qu’être dans un journal satirique où mon travail peut être mal interprété« , nous confie l’artiste. « Je peux travailler avec n’importe qui à condition qu’on me laisse m’exprimer« , insiste-il en affirmant que la condition centrale pour collaborer est la libre expression.