Arabic Sound System. La Bulle du dialogue Orient/Occident

Crédit photo : Newram

LA BULLE

La veille de l’Arabic Sound System, à l’Institut du Monde Arabe (IMA), La Bulle commence à prendre forme, dans le patio intérieur, au quatrième étage du Musée. Sofyan, l’un des initiateurs du projet, me fait passer à l’intérieur. La Bulle est encore  vierge de tout artifice. Formée de triangles roses, transparents et blancs, je me sens comme un fœtus dans la pureté brute de cet espace géodésique.

Concrètement, La Bulle est la formation d’un dôme, constitué de triangles de PVC, pour y faire la fête et se laisser emporter par l’univers du DJ qui prend possession de l’espace. L’idée s’est inspirée du croisement des travaux de deux architectes, Richard Buckminster Fuller et Hans-Walter Müller, permettant ainsi l’alliance entre le dôme géodésique et le gonflable. La rencontre entre cet espace et la musique électronique constitue ce que Sofyan et Colin, les deux porteurs du projet, appellent un souffle. Comme si l’une portait l’autre,  l’échange entre le public et son environnement sonore mais aussi visuel est au cœur de l’ambiance. Le bouche-à-oreille a fini par avoir raison de ce concept originel, et a porté ces deux amis et leur troupe à leur première soirée à l’IMA.

Colin et Sofyan ont répondu à nos questions.

Comment vous est venue l’idée du concept La Bulle?

Colin : L’idée nous est venue après avoir fait un festival Bellastock. C’est une association de mon école qui fait des festivals entre architectes, avec plein d’étudiants qui viennent faire la fête. On a grave kiffé, on a trouvé le concept du gonflable intéressant. On a donc eu l’idée de vouloir continuer ce projet en y ajoutant le nomade en créant juste une bulle simple, en la faisant un peu plus grande, pour faire la fête dedans.

Sofyan : On a voulu apporter une valeur ajoutée au concept de base qui était déjà ouf.

Colin : C’était un village éphémère. En ajoutant le nomade, ça permet de bouger de place en place, avec toujours ce même principe du gonflable.

Est-ce un concept limité à l’organisation de soirées ?

Sofyan : C’est ce qu’on a commencé à faire. Mais très rapidement, juste après le premier événement, on s’est dit qu’on pouvait faire d’autres choses avec et pas juste de l’événementiel. On a pensé à faire des pièces de théâtre à l’intérieur, d’autres types de performances artistiques, du social également pour sensibiliser des jeunes, proposer ce genre de structures aux mairies. Ce sont des choses qui nous sont venues direct après.

Vous avez déjà organisé d’autres événements ?

Colin : On a déjà organisé deux événements, un à Cergy au Festiv’al Arrache et un à la Cité Universitaire à Paris.

Sofyan : Ce sont des événements similaires dans le sens où on se greffait à un festival qui était déjà en place et nous on apportait une scène supplémentaire.

Quelles leçons avez-vous tiré de ces événements pour l’organisation de l’Arabic Sound System à l’Institut du Monde Arabe (IMA) ?

Sofyan : La première leçon est de réfléchir à notre propre événement déjà, au lieu d’être toujours dépendants d’un partenaire. En termes d’organisation, c’est la puissance des amis, c’est tout le groupe qui fait qu’on avance. On nous a mis en avant plutôt Colin et moi parce que l’idée était venue de nous mais il y a une grande équipe derrière.

Quelles sont les thématiques que vous mettez en avant ?

Sofyan : En fait, ça dépend. Là, en l’occurrence, on a travaillé sur une thématique, on y a réfléchi. Les événements précédents étaient des festivals en plein air où ce que l’on voulait promouvoir étaient nos potes artistes, pour qu’ils soient reconnus, partagent leur expérience et leur performance. Dans le cas de l’IMA, c’est beaucoup plus complexe.

La thématique principale est la promotion du dialogue entre l’Orient et l’Occident.

Colin : Oui, entre tradition et modernité. Un voyage entre les deux mondes.

Sofyan : Et, surtout, déconstruire le mythe du choc des civilisations, c’est-à-dire Occident vs. Orient. C’est erroné. On a plus à apprendre de l’autre qu’à s’opposer à lui.

Colin : Nous, dans cet événement, on est la plateforme qui justement, par la programmation artistique, répond à la problématique.

La manière dont je la perçois, La Bulle permet de mettre en place un espace vierge, puis votre inspiration crée un monde à l’intérieur. Comment vous est venue l’inspiration ?

Sofyan : La Bulle, c’est laisser la plateforme à l’artiste et on rentre dans sa bulle. C’est très simple, très terre-à-terre. On l’a utilisé au sein de l’événement comme la plateforme du dialogue, mais on peut l’utiliser pour plein de choses.

Colin : On rentre dans La Bulle, on rentre dans sa bulle.

Quentin (un ami) : C’est un support, comme une toile sur laquelle tu peins. C’est un support spatial dans lequel il y a un échange entre la musique et le public. On veut faire un monde immersif où tous les sens sont sollicités.

Vous avez d’autres projets, dans le futur, pour La Bulle ?

Sofyan : Il faut bien déterminer le court terme du long terme. A court terme, c’est les études. C’est une petite passion qu’on garde à côté et quand l’occasion se présente, si c’est intéressant, qu’il y a les disponibilités, les potes et qu’on est chaud pour se relancer, c’est kiffant. Mais on prend tous des directions différentes. Mine de rien, ça prend beaucoup de temps et d’énergie. Au final, c’est génial si on arrive encore à le faire et après, voilà, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Il y a plein d’idées, de projets mais à court terme c’est plutôt les études.

La démarche ne doit pas être dénaturée : elle est un espace de partage et de plaisir. Ce qui est à retenir avant tout de cette rencontre est l’humilité des porteurs du projet. S’ils ont été mis en avant pour leur travail au niveau de la scénographie de l’événement ainsi que d’une partie de la line-up, ils n’ont de cesse d’insister sur le fait que La Bulle, c’est eux, mais c’est aussi toute l’équipe qu’il y a derrière.

Arabic Sound System. Le nom de la soirée m’a tout de suite intrigué ainsi que le lieu où elle allait se dérouler. En effet, cette soirée qui promouvait l’alliance entre Orient et Occident sur fond de musique électronique ne pouvait se dérouler autre part qu’à l’IMA, lieu phare de la culture orientale à Paris.

Vendredi 21 février – 23h30 : on y est. Une fois les pieds dans l’enceinte du Musée, premier réflexe : direction le 4ème étage où est installée la fameuse Bulle. On y entre comme si on entrait dans un monde à part, une réelle immersion dans le projet de cette bande de potes passionnés et désireux de partager avec les autres leur vision. Les jeux de lumières sur les triangles de PVC ainsi que la musique font qu’on se laisse porter dans un univers auquel on ne s’attend pas de prime à bord. La rencontre entre cet espace et cette musique m’a « coupé le souffle ».

Ce « souffle » dont je parle est exactement le message que souhaitait faire passer les  personnes à l’origine du projet de la Bulle. Une fraîcheur se dégageait d’elle : fraîcheur musicale mais également due au fonctionnement de la soufflerie. Au plus près de la thématique de la soirée, la déconstruction du choc des civilisations, véritable fantasme des prédicateurs d’une apocalypse opposant l’Occident à l’Orient, s’est illustrée par la forte présence de personnes de divers horizons. Le message qu’a voulu faire passer La Bulle a été transmis, et surtout vécu. La combinaison sonore illustrait bien l’ouverture d’esprit de la soirée et la compatibilité entre différentes cultures. Cet espace, mis à notre disposition, m’a permis de découvrir des artistes et un style  musical qui n’est pas accessible à tous.

Ce qui est le plus regrettable sont les restrictions imposées par l’IMA, freinant une inspiration jusqu’au boutiste de Sofyan et Colin. L’authenticité de ce concept réside dans l’approche dictée par ses porteurs : ouverture d’esprit, simplicité et accessibilité au plus grand nombre. Et, dans cette logique, nous attendons l’événement qu’ils organiseront en toute indépendance.

Article réalisé en collaboration avec Jihane Khaldi.

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