1982, Israël envahit le Liban, prétextant une opération préventive sensée sécuriser les frontières de l’Etat hébreu, alors qu’une guerre civile déchire le Liban. Des millions de kilomètres plus loin, à Manchester, Bryan Jones crée Muslimgauze à 19 ans, il deviendra par la suite l’un des artistes de musique électronique les plus prolifiques de son temps. Expérimental et révolutionnaire pour certains, provocateur voire antisémite, au vu de son soutien à la cause palestinienne, pour d’autres.
Les artistes occidentaux qui soutiennent la cause palestinienne sont toujours surprenants. Ils sont rares et la plupart se font vite taper sur les doigts ou n’osent tout simplement pas s’aventurer trop loin, laissant, souvent à raison, un sujet aussi sensible à des personnes plus compétentes. Chez Bryan Jones, il n’en est rien. Il dédiera presque toute sa discographie au Moyen-Orient et à la Palestine, il portera un amour presque viscéral pour une terre et pour un peuple qu’il n’a jamais connus et qu’il ne connaîtra jamais. Il est mort en 1999, à 38 ans seulement, évitant les années Bush, la guerre d’Irak, la guerre à Gaza en 2008, la guerre du Liban en 2006, la guerre civile en Syrie… Il n’aurait surement pas survécu à tout cela ou peut aurait-il trouvé dans ces malheurs une nouvelle source d’inspiration.
Mais à vrai dire, si Muslimgauze cherche très souvent à provoquer, ou à faire passer des messages à travers les titres de ses albums (Vote Hezbollah, No Human Rights For Arabs In Israel, The Rape Of Palestine, Salaam Alekum, Bastard…) et les photos qui illustrent ces derniers. Rien ou presque dans sa musique ne témoigne de son engagement pour la cause palestinienne. Il n’y a pas de paroles, si ce n’est parfois quelques samples, juste de la musique instrumentale avec des fortes influences orientales (utilisation de Darbouka, Quanun, etc). Le talent de Muslimgauze est justement ce mélange entre une musique électronique (assez underground à l’époque) et une musique venue du Moyen-Orient.
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Le site Muslimgauze.org, consacré à l’artiste, dénombre plus de 200 sorties. La discographie de Muslimgauze est tout bonnement monumentale, impossible même pour un fan de tout connaitre. Bryan Jones pouvait sortir 3 albums en 3 mois. La sortie de ses disques étant souvent rythmée par ce qui se passait au Moyen-Orient. Même après sa mort, des albums continuent de voir le jour, avec un rythme moins effréné cependant. Le collectif The Muslimgauze Preservation Society s’occupe de tout ce qui concerne la mémoire de l’artiste.
Aujourd’hui, internet oblige, Muslimgauze connait une deuxième naissance. DJ /Rupture, un des DJs les plus en vogue du moment, lui a même consacré un article fleuve chez Bidoun. D’autres DJs comme Shackleton et The Rootsman lui ont dédié une soirée hommage, on assiste aussi un sorte de réhabilitation de l’artiste, on le cite comme influence quand on parle de la musique de Burial, alors que de son temps, son engagement était plutôt mal vu, aujourd’hui ce qui compte c’est sa musique, rien que sa musique.