Depuis quelques années, on assiste en Israël à la redécouverte parmi la jeune génération d’artistes israéliens, de la culture arabe. Par le passé, les nombreux immigrants venus des pays arabes ressentaient le devoir et la nécessité de s’intégrer dans leur nouveau pays d’adoption. Malgré tout, la culture, la langue et les traditions ont survécu. Et la musique est devenue aujourd’hui l’un de ses principaux supports d’expression. La culture yéménite y a joué un rôle particulièrement important. Parmi ses représentants les plus populaires sur la scène internationale, les Yemen Blues.
Rencontre avec son leader, Ravid Kalahani.
C’est à New York que Ravid Kalahani s’est installé avec son groupe pour mener un nouveau projet musical : la rencontre de la culture afro-américaine et yéménite. Ce n’est pas un mélange incongru pour le chanteur qui refuse de donner une étiquette ou un style à sa musique : “mon travail consiste à essayer de nouveaux sons et des combinaisons originales. Je ne pense pas aux règles et ne me pose pas la question de savoir si je devrais ou non tenter ces choix musicaux. Au contraire, j’apprends beaucoup de mes erreurs”.
Cela fait déjà plus de quinze ans que le chanteur est passé professionnel mais c’est en 2010 qu’il fonde le groupe Yemen Blues avec trois musiciens : les percussionnistes Rony Iwryn et Itamar Doari et le bassiste Shanir Blumenkrunz. Le groupe est à l’image de ses membres, de leurs origines et influences musicales multiples : entre New York, Tel Aviv, le Yémen, l’Afrique du Nord et l’Uruguay.
Nous partageons la même culture que les Musulmans
Mais si Ravid Kalahani chante en arabe yéménite, il avoue ne pas bien parler la langue : “ Mes parents sont arrivés très jeunes en Israël. Mon père croyait qu’il fallait parler hébreu et s’intégrer. Malgré tout, les chants liturgiques et les prières juives se faisaient en hébreu avec l’accent yéménite. C’est pourquoi je dis que j’ai cette prononciation dans le sang. Lorsque j’étais enfant, j’adorais chanter en hébreu avec l’accent yéménite. Aujourd’hui, je prends des cours de dialecte yéménite”. Il est évidemment impossible de ne pas évoquer la situation tragique que vit le Yémen aujourd’hui : “je me sens si triste : le peuple yéménite est un peuple pacifique. J’espère seulement que cette guerre ne fera pas plus de pertes”.
Son identité arabe yéménite, le chanteur en est fière : Ravid s’identifie comme un Juif yéménite qui vit en Israël. Bien qu’il soit né près de Tel Aviv en 1978, ses parents font le choix d’aller s’installer dans un village près de Naplouse, dans les actuels territoires palestiniens, alors qu’il n’a que cinq ans. Nous lui demandons alors de développer son propos et il assure que ce choix n’était pas idéologique : “ à cette époque, on ne parlait pas de colonies. Je me souviens que nous allions faire nos courses à Naplouse et que tout se passait très bien. La vie était beaucoup plus apaisée que maintenant. J’ai ma propre opinion sur la situation régionale : tout cela ressemble à un jeu puéril. C’est à celui qui montre qui est le plus fort”.
Le chanteur n’est pas à un paradoxe près : bien qu’il parle en arabe en musique, il n’a jamais joué dans un pays arabe même s’il avoue qu’il aimerait un jour monter sur scène en Égypte ou en Jordanie : “ en fait, peu importe qui je suis. Ce qui importe c’est de pouvoir voir au-delà de sa propre bulle. La musique doit servir à cela : se comprendre les uns les autres. Je vois la musique comme le moyen de rapprocher les gens et de montrer combien on a besoin les uns des autres”.
J’écris à Dieu et je le remercie pour le don qu’il m’a donné
Ravid se dit croyant mais il est persuadé que chacun peut accéder à la spiritualité selon différents moyens. Il parle et écrit même à Dieu : “j’essaie de lui écrire et de le remercier de ce qu’il a créé et de ce qu’il m’a donné. Mais au-delà de cela, le plus important c’est de comprendre son prochain. C’est ça la véritable beauté de la religion”. Ce sont les prières et les chants juifs yéménites qui l’on conduit à aimer et chanter en yéménite, à chanter son héritage multiple.