La chanteuse libanaise Yasmine Hamdan a repris le nom d’un poème de Mahmoud Darwich pour le titre de son dernier album, qu’elle donne ce soir en concert à l’Institut du monde arabe, à Paris. Pour Onorient, elle revient sur sur rapport à Darwich.
Depuis mercredi, et jusqu’à dimanche, l’Institut du monde arabe, à Paris, dédie tout un festival au poète palestinien Mahmoud Darwich. Pluridisciplinaire, le festival, intitulé “Les exils de Mahmoud Darwich”, va du théâtre au cinéma, en passant par des débats et des concerts. Ce soir, c’est la chanteuse libanaise Yasmine Hamdan, connue dans tout le monde arabe pour avoir révolutionné l’”électro orientale” avec son groupe Soapkills, qui va faire l’événement. Elle y présentera son dernier album, “Al Jamilat”, paru l’année dernière, et dont le titre est tiré d’un texte du poète palestinien. Pour Onorient, Yasmine Hamdan revient sur son rapport à Mahmoud Darwich.
Rencontre.
Onorient : “Al Jamilat”, les “magnifiques” en français, c’est le titre de votre dernier album et de l’une des chansons de ce même album. Vous reprenez là le titre d’un poème de Mahmoud Darwich qui est une ode à la femme. Pourquoi Mahmoud Darwich ?
Yasmine Hamdan : Je cherchais à adapter un poème de Darwich mais comme il écrit beaucoup en prose, ce n’était pas forcément évident de prime abord. Je suis tombée sur ce poème qui est absolument sublime, très sensuel, et qui parle des femmes, un thème qui m’est cher.
Comment Mahmoud Darwich a-t-il infusé les différents morceaux qui composent cet album ? Vous êtes vous inspiré de la rythmique de sa prose ?
Je ne peux pas dire que j’ai été inspiré par sa prose dans tout l’album. Ce qu’il écrit, c’est de l’arabe littéraire, alors que la plupart de mes morceaux sont en dialecte, qu’il soit égyptien ou libanais. J’ai trouvé que le titre “Al Jamilat”, au-delà du texte du poème, est positif, vibrant, ça me plait. Même mon manager allemand a aimé ce titre : cela veut dire qu’il peut passer les frontières. A côté de ça, les personnages féminins du poème “Al Jamilat” m’ont inspirée, avec une célébration de la complexité du psychisme et des contradictions. Il y a quelque chose qui me rappelle la culture d’où je viens, avec une fragilité qui n’est pas mal vue, plutôt vue comme un allié.
Vous vous souvenez de votre première lecture de Mahmoud Darwich, votre première rencontre littéraire avec lui ?
Je sais que comme il a vécu pas mal de temps à Beyrouth, j’ai essayé de retrouver dans ses textes les traces du Beyrouth des années 1980. De lire certains de ses livres, de manière poétique, m’a permis de créer une certaine narration, un lien. Le Liban a beaucoup changé ces dernières années : lire les textes de Darwich m’a aidée à faire un travail de reconstitution dans ma tête.
L’exil est aussi une thématique très présente chez Mahmoud Darwich. Vous-même vivez entre Paris et Beyrouth. C’est un thème qui vous rapproche de lui ?
Je ne vis pas seulement entre Beyrouth et Paris, je voyage beaucoup, je vis un peu partout. Pour en revenir à Darwich, il parle d’un état, d’une situation que beaucoup de gens que je côtoie connaissent. C’est un état, une forme d’exister. L’autre jour, j’étais à Montréal avec un groupe d’amis libanais et une française. C’était impoli, mais je sentais que tous, nous avions besoin de parler arabe, d’être dans quelque chose de familier, de nous sentir à la maison. L’exil est donc quelque chose que l’on vit, mais on le transforme aussi dans notre travail.
Le chanteur libanais Marcel Khalifa avait lui aussi, en son temps, repris des poèmes de Mahmoud Darwich, notamment avec “Ommi” (“ma mère” en français), ou encore “Rita et le fusil”. Est-ce que ce sont des morceaux qui vous ont inspirée ?
Non, je ne les connais pas et les écouterai (rire). En revanche je connais son fils, Bachar Mar Khalifé, et j’aime beaucoup ce qu’il fait.
Certains textes de votre album sont très militants et traitent énormément de politique. C’est aussi un aspect qui vous rapproche de Mahmoud Darwich ?
Sûrement, mais je n’ai pas écrit mon album autour de Darwich. J’ai juste pris un de ses textes, qui a finalement donné son nom à l’album. Même si c’est quelqu’un qui m’inspire, qui a donné espoir à beaucoup de gens. Mais effectivement, c’était un poète de la résistance. C’est quelqu’un que je regarde comme un héros.
Pour le concert de ce soir, vous allez faire un programme spécial, en lien avec Mahmoud Darwich ?
Non, ce sera ce que je joue d’habitude, nous célébrerons, en revanche, sa présence, son travail. Pour l’anecdote, j’ai été jouée pour la première fois de ma vie en Palestine en avril dernier. J’ai bravé le tabou, puisqu’il est compliqué pour nous d’y aller. J’ai visité le musée dédié à Darwich à Ramallah. C’est un lieu magnifique, les Palestiniens ont mis toute la poésie que l’on peut trouver dans ses oeuvres. J’étais très émue d’y être.