À Gare au Théâtre s’est jouée du 23 au 26 janvier 2018 la pièce Ceux qui brûlent, du Collectif El Ghemza.
Ce collectif d’artistes pluridisciplinaires – dans nos artistes à suivre 2018 – mêlant théâtre, musique et cinéma, a pour sa dernière création, adapté le texte Mondes d’Alexandra Badea. Mise en scène par Azzedine Hakka, cette création se révèle puissante et intense.
Tout commence par un entretien vidéo, adapté d’une interview d’Achille Mbembé parue dans le journal Libération en 2016. Abordant divers sujets, ce texte apporte une analyse fine et distanciée de la position de la société occidentale dans le monde. En guise d’introduction, cette projection vidéo en dit long sur les sujets qui vont être traités durant le spectacle.
De l’intime au collectif
Dos au public, une femme regarde une photo. Cette photo fait partie de toutes celles que nous voyons passer à longueur de journée sur notre fil d’actualité. Une image dure mais qui devient tristement banale. Pourtant elle s’y attarde et se questionne. Lorsqu’elle regarde le crédit photographique, elle se rend compte que le photographe est un homme qu’elle a aimé. S’ensuit alors une correspondance entre les deux protagonistes : cette femme exilée dans un pays lointain, et ce photojournaliste. A travers cet échange, les protagonistes parleront du passé et du présent, du monde et de leur rapport à celui-ci.
Le jeu est frontal, qu’il soit face au public ou face aux images. Les comédiens déversent une parole à travers plusieurs monologues retraçant leurs échanges. Proches sur le plateau, ils ne se rencontreront jamais, que ce soit visuellement, physiquement ou verbalement. La distance géographique et idéologique, sur certains aspects, est ainsi instaurée et figurée entre les deux personnages. A travers les paroles de cet ancien couple, le public se retrouve face à ses propres questionnements et s’identifie : et nous, quel est notre rapport au monde ? Aux autres ?
La vidéo comme support dramatique
Avec un dispositif scénographique minimaliste qui n’en demeure pas moins intelligent et complet, la dramaturgie est mise en valeur. En effet, les deux panneaux transparents et opaques présents sur le plateau appuient la notion d’éloignement et rajoutent ainsi une distance entre les comédiens et le public.
Ce dispositif permet par la même occasion d’utiliser la projection vidéo, qui se révèle généralement être un excellent support dramatique et apporte un plus à la mise en scène. Seul petit bémol, certaines ne sont pas forcément justifiées dans certains passages. Ayant parfois tendance à happer le regard du spectateur plus qu’il ne le faudrait et à couper sa concentration vis-à-vis du texte, toutes ne sont pas pour autant inintéressantes. On retiendra notamment la diffusion de témoignages, qui permettent de remettre « l’humain » au centre, donnant ainsi un nouveau souffle à la pièce.
La musique live est présente tout au long du spectacle. Elle relie les monologues entre eux et offre un environnement sonore appuyant les paroles des acteurs.
Traitant de thématiques profondes et ô combien actuelles, Ceux qui brûlent est une pièce nécessaire qui stimule la réflexion. Nous en sortons profondément touchés et enclin à regarder le monde différemment.
Teaser « Ceux qui brûlent » d’Alexandra Badea / Azzedine Hakka – Collectif El Ghemza