Un an et demi après la parution de leur quatrième opus Ibn el Leil, les Libanais de Mashrou’ Leila reviennent avec la sortie de Roman, un nouveau titre inclus dans une édition deluxe de l’album. Le message, porté par un superbe clip réalisé par Jessy Mousallem, résonne comme une ode à la Liberté.
« Roman » ou la révolte par l’autodéfinition
Des femmes vêtues de tenues traditionnelles ou religieuses, plongées dans le silence sur un véhicule qui s’éloigne… Pendant quelques secondes, la scène semble tirée d’un film à tendance réductrice. La voix vibrante d’Hamed Sinno brise l’illusion.
« Je n’ai pas l’intention d’avaler vos mensonges. Les paroles resteraient coincées dans ma gorge » (« Mesh nawi ebla’ akazibak. El kalam rah yehro’ hal’i ») clame le chanteur de Mahshrou Leila. De sa voix lyrique, Hamed Sinno accompagne les figurantes du clip dans ce qui constitue une véritable prise de pouvoir.
« Comment as-tu pu me vendre aux Romains ? ». « Roman » est ici une référence au terme « Room », traditionnellement utilisé pour qualifier les Byzantins, puis par extension les non-musulmans et les Occidentaux. En représentant un groupe de femmes en tenue traditionnelle, silencieuses, immobiles et passives, Mashrou’ Leila expose une vision communément occidentale de la femme arabe pour mieux la déconstruire.
Entre misérabilisme et réappropriation de soi, c’est la danse qui constitue le point de rupture. Cette danse, qui prend soudainement possession du corps d’une femme, surprend par sa modernité. En s’épanouissant sans limite, elle révèle les failles du discours féministe actuel et en sape les fondements. Tenue traditionnelle ou religieuse ne riment plus avec conservatisme, soumission ou passivité. La réappropriation que chante Mashrou’ Leila est une réappropriation identitaire. Le pouvoir repris par la force (« Tirez ! Tirez ! », « Alehoum ! Alehoum !) est celui de l’autodéfinition. Il rime assurément avec Liberté.
Dans Roman, Mashrou’ Leila brise ainsi le discours dominant sur le féminisme et les droits de la femme, laissant place à une définition alternative, empreinte d’activisme et de résistance. Les membres du groupe, masculins, sont d’ailleurs au second plan tout au long de la vidéo.
Un esthétisme des contrastes
D’un point de vue musical, la recette de Roman est la même que celle des précédents titres du groupe: rythmes saccadés, voix plaintive de Hamed Sinno, lyrisme du violon et influences variées allant de la pop rock à la musique arabe.
Pour les fans de Mashrou’ Leila, c’est surtout le clip chorégraphié de Roman qui offre une agréable surprise. Réalisé par la jeune libanaise Jessy Mousallem, celui-ci offre en effet des images d’une rare beauté. Tout d’abord en raison des tenues des femmes, dont les couleurs vives tranchent avec le paysage désertique aux couleurs pâles et épurées de l’arrière-plan. Les mouvements de la danseuse et la marche déterminée des femmes contrastent également avec l’immeuble abandonné dans lequel elles se trouvent, où le temps semble être suspendu.
Tout est fait pour faire des femmes les principales protagonistes de ce qui constitue une véritable prise de pouvoir: comme le soulignent les membres de Mashrou’ Leila, Roman traite en effet de l’oppression « non plus comme une source de victimisation, mais comme un terreau fertile à partir duquel la résistance peut naître et prendre forme». En somme, le clip de Jessy Mousallem porte brillamment le dernier morceau de Mashrou’ Leila, au message plus que jamais alternatif.
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