Ghani Alani, le pèlerin du qalam

Il est le grand maître de la calligraphie arabe contemporaine, louangeur de la parole divine. Se tenir devant les œuvres de Ghani Alani, c’est faire face à un miracle. A Rabat, il est l’invité d’honneur du festival Rabat Résonances 2017, pour lequel il a donné une conférence le mercredi 5 avril à Dar Lamrini.

Sa voix humble, mais puissante, porte en elle les échos du Mashreq. Dans son regard miroitent les profondeurs d’Ar-rāfidayn, elixirs de vie. On y voit défiler les paysages de Bagdad, autrefois capitale culturelle arabe et foyer de civilisation. Sa présence impose un silence et un apaisement, transcendant les lieux de Dar Lamrini, joyau architectural traditionnel implanté en plein cœur de la médina de Rabat.

 Ghali Alani, en conférence à Dar Lamrini

Pour parler de calligraphie, il évoquera d’abord la mer de Babylone, les oiseaux et leurs courbures, et le cœur du croyant, en prononçant à chaque reprise un vers de poème. Dernier héritier de l’école de Bagdad, Ghani Alani a fait découvrir à l’Occident l’art de la calligraphie, qu’il qualifie de cadeau pour l’humanité. Le prix UNESCO qui lui est désigné en 2009, est non seulement une consécration mais il témoigne aussi de la reconnaissance de la calligraphie comme étant un grand art.

L’écriture, porteuse de souffle

La calligraphie n’est pas simplement un art de l’écriture, c’est d’abord un cheminement intérieur et un exercice spirituel. L’écriture a aussi une âme, qu’il faut comprendre dans un sens plus large. Au-delà des textes, ce sont des enseignements profonds qu’on peut en tirer. Ainsi, elle peut être une formule d’invocation et de Dhikr, et permet également de mettre en mémoire de nombreux textes coraniques. C’est aussi une magnification et une concrétisation du verbe divin. La calligraphie est la forme la plus complète des arts islamiques, qui se définissent comme étant « l’expression de la vérité divine ».

الله – Allah, quatre lettres dans lesquelles mon cœur se promène

La calligraphe est une discipline rigoureuse, qui nécessite beaucoup d’apprentissage. Elle suit des règles de proportions parfaites, tel que le point comme unité de mesure du alif أﻟﻒ , ou encore la courbure du corps des oiseaux pour le dessin des lettres rondes. Dans l’écriture arabe, les lettres se relient, et ce sont ces liens qui créent la grandeur des compositions. Il y a deux grands styles pour écrire : l’écriture ronde et l’écriture carrée. « On est né avec l’une d’entre elles » selon Ghani Alani.

La sacralité de la lettre

Dans les art islamiques, structurés autour de la transcendance divine, la représentation est interdite. L’image étant absente, la culture arabo-islamique a du puiser dans les mots et les textes. A ce sujet, Ghani Alani déclare que les arabes sont un peuple qui admirent le verbe, alors que l’Occident admire l’image. Toutefois, il précise qu’il ne serait pas juste d’affirmer que l’image est absente dans l’art islamique, car l’image n’est pas que figure. L’écriture est aussi image, رسوم و أشكال – des formes et des figures – comme disait Ibn Khaldoune.

 

Toutes les routes de la Méditerranée et du Moyen-Orient se réunissent dans le qalam de Ghani Alani, sans contrastes. Son écriture n’est pas celle des dualités, mais de l’harmonie.