Au dernier festival de Venise, Wadjda a été une révélation. Et pour cause, ce film réalisé par Haifa El Mansour a sorti le public européen du confort de ses idées. Avant Wadjda, les images traitant de l’Arabie Saoudite relevaient toutes d’un imaginaire commun occidental et se targuaient d’une prétention à l’objectivité qui agaçait l’orient. Wadjda quant à lui est une véritable immersion en Arabie Saoudite.
Dans la banlieue de Ryad vit Wadjda, une fillette de douze années espiègle et entêtée, déambulant en converses sous sa aabaya et écoutant de la musique Rock à longueur de temps. Désirant ardemment un vélo vert pour faire la course avec son ami et voisin Abdullah, elle se voit heurtée à un lieu commun qui considère le vélo comme une menace pour la vertu d’une petite fille. Il se crée dès lors une connivence presque immédiate entre le spectateur et ce petit chose qui sent peser sur ses épaules le carcan de sa société mais s’en débarrasse lestement, répondant à l’appel au jeu de Abdullah, greffant son nom dans un arbre généalogique misogyne, tenant tête à une institutrice implacable. On retrouve en elle non sans sourire un peu du personnage du petit Nicolas de Sempé & Goscinny. A son image, elle nous fait découvrir les arcanes de sa société avec légèreté, et l’on se laisse ainsi prendre par la main sans broncher. Au fil du film, on découvre les tribulations de sa mère – jouée admirablement par Reem Abdullah- qui attend l’annonce du second mariage de son époux avec un espoir qui n’en est pas un, dans une résignation attendrissante.
L’histoire ne se force pas, elle dépeint avec sérénité la vie des Saoudien(nes). La succession des images se place dans un réalisme poétique qui ne se prête pas à l’interprétation. Wadjda est à prendre comme il est : un film qui insuffle de la vie à la masse sombre et uniforme que sont, aux yeux de tous, les femmes en Arabie Saoudite ; qui dessine un visage sur le tissu opaque qui couvre les leurs. Le film respire l’audace. Il dénonce de plein front les règles qui régissent le quotidien des wahhabites. Il soulève la burqa du fondamentalisme religieux et les tabous dans lesquels toutes les petites wadjdas d’Arabie Saoudite sont ensevelies. Sous le soleil où elle se dresse, Wadjda redevient ce que toute gamine de douze ans est censée être. Une petite aux yeux constamment surpris par le monde qui se porte à eux. Une môme qui refuse de se plier à des préétablis sans en saisir pleinement le sens.
Wadjda est par ailleurs le premier film entièrement réalisé en Arabie Saoudite. Quand on sait le problème de l’iconographie interdite en Islam – et en l’occurrence en terre d’Islam – on ne peut qu’acclamer l’exploit. Il est également le premier film réalisé par une femme. Contre toute attente, le cinéma saoudien est féminin. A l’image de son héroïne, Wadjda est une résistance juvénile, un soulèvement résolument insoumis qui, j’en suis sûre, ne vous laissera pas impassible.
Visionnez le trailer de Wadjda :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=O8SQRnwTxWc[/youtube]