18h30 Autoroute Saîda – Beyrouth
Nous démarrons ce matin après quelques secondes d’hésitation lorsque Mehdi découvre que la boite de vitesse est automatique. Pour une journée de trêve, nous avons choisi de louer une voiture pour partir en exploration au sud du Liban. Nous sommes entrainés vers une route insoupçonnée. Échappant à nos interviews régulières, c’est un voyage dans le temps que nous entamons.
Nous déclenchons le GPS et prenons l’autoroute vers Sidon (Saida). La plaque verte de notre nouvelle automobile noire indique que nous sommes des touristes. Nous optons pour deux haltes successives à mi-chemin qui réussissent le pari de nous arracher à la monotonie de nos séjours citadins, et nous entraient dans une sorte de monde parallèle. Plus nous nous engouffrons dans des hauteurs boisées, plus la douce brise vient caresser nos sens et la verdure égayer notre humeur. Friands de nouveaux paysages, nous sommes gâtés par le spectacle des collines et des monts qui s’enchainent sur notre chemin formant des reliefs et des courbes à l’infini.
Nous voilà à Beiteddine où siège le somptueux palais du même nom, de cette ville juchée sur le Mont-Liban. D’abord debout dans l’immense cour à l’entrée, nous ne soupçonnons pas les différentes ailes qui nous attendent derrière. Nous pénétrons un espace dédié aux mosaïques byzantines, puis nous nous retrouvons dans une nouvelle cour, cette fois, rafraîchie par une magnifique fontaine centrale, dont les jets d’eaux bercent et la géométrie séduit. Ce même lieu fascinant, vestige du XIXème siècle bâti sur des lieux de prière de la communauté Druze (musulmans hétérodoxes dans le Proche-Orient) sert de résidence estivale pour la présidence. Encore faut-il au Liban un président qui puisse jouir de cette paisible propriété…
L’émir Bachir Chehab II qui gouvernait la région est à l’origine de la construction de ce site. À quelques kilomètres de ce monument, se tient le charmant petit village de Deir El-Qamar. Première municipalité dans le monde arabe, plusieurs émirs s’y sont succédés dont ceux de la dynastie Chéhabite. Le sérail de l’Emir Youssef où siège aujourd’hui la municipalité du village, l’ancien souk de soie où l’institut français s’est installé ainsi que d’autres bâtiments de pierres attestent de la beauté architecturale libanaise.
À pied, nous remontons les ruelles pavées et prenons notre temps pour une ballade au calme pendant laquelle nous apercevons différentes églises de cultes diverses, une mosquée ainsi qu’une synagogue.
Cette retraite matinale apaisante a eu l’effet d’une bain chaud en plein hiver. Une accalmie nécessaire dont nous avons ressenti le besoin après nos quelques mois de migration et de vie commune, qui entrainent parfois de brèves prises de tête et qui font souvent jaillir quelques boutades.
Nous poursuivons le trajet vers Sidon accommodé par la géographie libanaise qui offre tant à voir en une seule journée. Comme nous passons rarement plus d’une heure trente en voiture, nous avons l’impression que toutes les villes sont à proximité et nous nous faisons la promesse de revenir sillonner toutes les régions.
Dans la continuité de la route principale, nous découvrons d’emblée le port de Saida (Sidon en arabe) où un portrait gigantesque de l’ancien premier ministre assassiné, Rafic Hariri nous souhaite la bienvenue dans sa ville natale. À notre droite, s’élève le château de la ville, une forteresse datant de l’époque des Croisés au XIIIème siècle, sur une presqu’île reliée au rivage par un long pont en pierres blanches.
Nous stationnons non loin de là avant d’aller poursuivre notre promenade dans les entrailles grouillantes du souk authentique de la ville. L’atmosphère est autre que celle de Beyrouth. Des lueurs de soleil se fraient un chemin entre les voutes et réussissent à transpercer les quelques brèches entre les épaisses murailles pour draper d’un doux éclairage les marchandises présentées.
Il est déjà 16h00 et la nuit ne va pas tarder à tomber. Nous sommes dans la nécessité de renoncer à la visite de l’intérieur des deux illustres : les bâtiments de Khan as-Sabun (Khan des savons) et Khan el-Franj (Khan des croisés) qui ne vont pas tarder à fermer leurs portes aux visiteurs. Le tableau, presque fantasmagorique qui se dresse devant nos yeux, remédie à notre déconvenue à la sortie de ce labyrinthe que constitue les allées du souk. La valse qu’entame le soleil et ses reflets avant de fondre entièrement dans cette mer douce enchante notre fin de journée et berce notre retour.