Véritable pays cosmopolite, le Liban accueille une migration importante. Étant limitrophe de plusieurs zones de conflits, les réfugiés affluent en grand nombre. Ils sont notamment plus d’un million et demi de Syriens à avoir choisi le Liban et a y espérer des jours meilleurs. Dans la communauté, plusieurs artistes s’accrochent à leur passion et maintiennent leur langage artistique pour transmettre leur sensibilité.
Dans la rue Gemayze, la galerie 392rmeil 393 à pu se démarquer dans un marché très compétitif en propulsant de nouveaux artistes émergents et en faisant confiance à leur talent. Elle accueille actuellement, l’exposition personnelle « Walking on thread » de Mohamad Khayata. À travers une série de dessins, peinture et d’installations qui se décline en trois temps, l’artiste visuel, originaire de Damas, nous invite à découvrir son univers personnel.
Les débuts d’un long périple
Voilà bientôt 3 ans que Mohamad s’est installé à Beyrouth où la liberté de ton et les mélanges des cultures qui caractérisent la ville l’inspirent. Dans ses mots, « Beyrouth, est un nouveau départ », l’opportunité de renouer avec sa pratique artistique interrompue par le temps de guerre. Diplômé de la section décoration d’intérieur de l’Ecole des beaux-arts de Damas, sa formation académique et sa longue pratique de la sculpture l’ont donné des outils techniques nécessaires pour exprimer plastiquement ses émotions. Au Liban, Mohamad fait ses premières armes au sein du théâtre Babel dont le directeur irakien lui permet de travailler sur les décors, photographier les pièces et organiser des ateliers. Ces mêmes lieux accueilleront sa propre exposition d’une série de 70 photographies qu’il a réussi à emmener dans ses bagages. De beaux clichés du quartier historique et touristique de Damas, Bab Touma, qui ont permis de confirmer son nom auprès des gardiens du temple artistique beyrouthin.
Il s’en suivra en 2014, la série documentaire «Stitch My Syria Back» que l’artiste continue à nourrir en mettant en scène des Syriens qui portent de manière personnalisée un patchwork coloré de différents tissus dans différents endroits de la ville qui leurs sont significatifs.
Symboliques des formes et des couleurs
Tenir en équilibre sur un fil tendu est la métaphore qui décrit le mieux le quotidien de Mohamad et de ses compatriotes. Désormais, pratiquants de slackline à leur insu, ils sont à la recherche d’une juste balance dans le chaos qui les poursuit. Un fil sauveur et aussi conducteur dans le travail poignant de Mohamad. Des oeuvres mêlant moult matières et textures (bois, plexiglas, carton…) et exprimant de fortes émotions de perte et de peur d’un lendemain encore mystérieux. Reliées par un fil, des surfaces colorées sont transpercées par des traits graphiques fins et clairs qui marquent les contours de personnages froissés par l’instabilité.
Quand la première pièce de l’exposition retrace ainsi cette imposante crainte de l’inconnu et l’exigence paradoxale de l’affronter debout et avec confiance, les deux autres font intervenir de nouveaux accessoires qui interpellent.
Un verre sur la tête qu’on ne saurait s’il est rempli d’eau pour la survie ou de larmes pour expurger la tristesse et des échelles qui pourraient représenter cette, désormais longue, phase de transition.
L’on fait enfin, à travers des tableaux aux couleurs pastel, la rencontre du chat Loulou. Amputé d’une jambe, il a longtemps était le compagnon de Mohamad au Marsam, la résidence artistique bleutée qu’il occupait à Darsam. Un lieu qui l’a décidément marqué par ses tons et ses nombreuses échelles qui lui permettaient d’accéder à sa chambre.