Revolution Records, au son de la rébellion

Alexandrie un vendredi soir est digne d’un labyrinthe. Plongés dans le noir, nous suivons tant bien que mal les indications des passants en longeant une route qui déborde d’automobiles, faiblement éclairée par les lumières des enseignes commerciales. Un croisement plus tard, les lettres rouges de « Revolution Records » scintillent dans la pénombre. À l’intérieur, les quatre membres du label emblématique du Hip-hop égyptien nous attendent.

Revolution Records : Le groupe et le label

Roony HoodStar, Temraz, Amr C-Zar et Ahmed Rock font partie du groupe de musique Revolution Records fondé en 2006. Les quatre jeunes hommes qui  se connaissent et qui font de la musique ensemble depuis le lycée à Alexandrie, avaient décidé cette année-là de passer aux choses sérieuses en fondant le label et le groupe de musique du même nom.

« On voulait faire quelque chose pour professionnaliser la pratique du Hip-hop qui commençait à monter à Alexandrie» nous confie Ahmed.

En réalité, le défi qui se pose à la bande de Revolution Records dépasse le cadre strictement technique. Pour la bande de musiciens, il s’agit de changer les idées reçues sur le genre musical considéré comme un bâtard issu des rues nauséabondes.

© Mehdi Drissi

© Mehdi Drissi

Revolution Records est alors né desdits décombres d’Alexandrie, arborant fièrement les couleurs d’un genre musical marqué par la rébellion et la critique du système, et ce, bien avant la révolution.

Dans Kazeboon, BO du documentaire « Art War », on distingue des paroles osées et revendicatrices sur fond d’une musique retentissante : « Kazeboon, al aaskar rafidoun, kalamkoum koulou kadba 3an kadba ou koulou dahka ‘ala ‘aala douqoun »  (Des menteurs, les militaires sont des menteurs, toutes vos paroles sont des mensonges destinés à laver nos cerveaux). Cette position marginale et culottée qu’adoptent les rappeurs est totalement assumée, à leurs risques et périls.

Avec des morceaux comme Kazeboon ou Athawrageya, les rappeurs touchent la nouvelle génération en plein coeur et véhiculent un message que beaucoup ne font qu’effleurer. Rapidement, la renommée de Revolution Records n’est plus à faire. De concert en concert, leur son franc et leurs paroles rebelles conquièrent un public qui leur permet de diversifier leurs activités grâce au label.

Revolution Records & co

Après leurs multiples représentations, festivals en Égypte et à l’étranger (notamment au Danemark, deuxième public du groupe après l’Egypte), les membres de Revolution Records ont voulu profiter de leurs possibilités pour faire converger les voix qui s’élèvent en musique un peu partout dans la région. C’est donc avec cet esprit fédérateur qu’ils fondent la Radio 16 Bar qui rassemble des sons rap du monde arabe, du Maroc à la Palestine.

En Égypte, Revolution Records est également impliquée dans une démarche de sensibilisation à la musique comme moyen d’expression auprès des orphelinats et des écoles privées. IIs nous avouent aussi avoir tenté d’intervenir dans les écoles publiques mais, tenant à leur indépendance et à leurs paroles acerbes et critiques qu’ils ne voulaient pas voir censurées, ils ont finalement préféré abandonner la démarche.

Enfin, l’équipe de Revolution Records organise aussi anuellement le « Hip-hop All Stars », concert qui voyage du Caire à Alexandrie avec l’objectif de montrer le Hip-hop sous un nouveau visage : critique, intelligent et catalyseur d’une transition démocratique rationalisée.

Pour les membres de Revolution Records, le rap a en effet une vraie mission dans un pays comme l’Égypte. « Dans les pays occidentaux, le rap s’intéresse à d’autres problèmes : sexe, drogue…etc. Chez nous, cette musique n’est pas uniquement un genre, c’est un réel exutoire pour la jeunesse qui aborde des sujets intériorisés dont personne n’ose parler à haute voix ».

Avec ses projets futurs, Revolution Records portera cette mission encore plus haut. Les artistes nous révèlent en effet, en grande exclusivité, travailler avec Mohamed Mounir sur deux chansons en plus de figurer dans le bande officielle d’un documentaire d’Adolf Aassal qui sortira en 2016. PourRoony HoodStar, Temraz, Amr C-Zar et Ahmed Rock, tous les moyens sont bons pour déconstruire l’image négative du rap et diffuser leur message rebelle et vivifiant au peuple égyptien.

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