Au 3ème étage d’un immeuble pittoresque au quartier populaire de Ibrahimiya, une discussion prenante se profile. L’appartement d’Oussama Helmy est un vrai cabinet de curiosités. Cassettes d’Oum Kalthoum, panoplie de petits carnets de notes, cartes du monde… des petits riens charmants qui ravivent bien des souvenirs à notre hôte et rehaussent le teint de son salon.
L’art du pli
Ozoz. Sonnant comme un gazouillement d’oiseau, ce surnom retentit et décrit bien le plieur de papier bavard et pétillant qu’est Oussama. Qui de nous ne se rappelle pas de ses premiers bateaux et avions en papier ? Par un mouvement de mains et une succession de plis, un objet reconnaissable prend forme et satisfait, chez celui qui le façonne, son envie créatrice.
Cette recherche d’une des premières adrénalines et joies conscientes a été poursuivie plus longuement par Ozoz. Lorsqu’il rencontre à 14 ans un professeur capable de lui enseigner de nouvelles formes, Ozoz ne lâche plus le papier. Seule et unique matière première pour ses créations, des bouts de papier de tailles différentes glissent entre ses doigts. De ses mains, il manie, caresse, humidifie et froisse son matériel pour en faire sa pièce. Les techniques divergent, mais le résultat en est toujours impressionnant par son minimalisme esthétique. Ainsi, la simplicité du geste et la méthodologie de la confection assoient la dimension artistique des créations.
Poursuivant sa passion pour une pratique qu’il attendra longtemps avant de nommer, Ozoz découvre à 23 ans son premier livre sur les Origami. Confiant, il développe sa pratique et fonde quelques années après le Centre arabe d’Origami.
Le Centre Arabe d’Origami
Lorsqu’il découvre le travail de l’association Gudran, au vieux village de pêcheurs, il rejoint tout de suite l’initiative et donne ses premiers ateliers aux enfants du quartier. Ce premier contact avec un public scolaire attire son attention sur les lacunes en géométrie des jeunes enfants et l’amène à développer un système d’enseignement de la géométrie qui se base sur l’art de l’Origami. Cette réflexion pédagogique mûrira par la suite pour défendre un apprentissage de l’architecture en s’appuyant sur l’Origami.
Ozoz, gagnant en compétences, crée en 2011 le Centre arabe d’Origami. Ce projet a pour vocation la diffusion et le soutien de cet art dans le monde arabe en créant un réseau d’artistes à l’échelle régionale, nationale et internationale. Le Centre tient aussi à insérer l’Origami dans les programmes éducatifs et pédagogiques puis tente de faire rencontrer l’origami avec d’autres arts.
Le Centre amène Ozoz à faire une grande tournée dans les différents pays arabes pour animer des ateliers et échanger autour de sa pratique avec d’autres nouveaux amateurs. De la Jordanie au Bahrein en passant par la Syrie, Ozoz se nourrit des voyages pour diffuser son amour des amusettes de papier.
Le Centre développe aussi des programmes en Tunisie et en Palestine; il échange actuellement avec de nouvelles organisations similaires au Maroc et en Algérie.
Ozoz a mis en place un série de programmes pour les enfants de la rue, les personnes en cure de désintoxication ou encore des réfugiés syriens pour leur enseigner l’Origami. La patience et le sens de la discipline qu’implique cet art apportent aux interlocuteurs d’Ozoz un grand soutien psychologique. Doué aussi en tant que conteur, Ozoz fait de ses ateliers des séances de narration épanouissante. Chaque pli effectué est une page qui se tourne avant de poursuivre d’autres péripéties.
La forte conscience d’Ozoz, son sens de l’engagement et son inventivité le poussent à développer des projets novateurs et à développer une véritable expertise pédagogique. Le Centre arabe vient de publier l’Origami Magazine qui informe sur la pratique de l’Origami et rappelle ses bases fondamentales. Aussi, pour assurer sa croissance et ne pas dépendre uniquement des subventions institutionnelles, le centre a un projet de développement d’une marque. Moutaba9ati pourrait ainsi être la première compagnie à vendre des produits design et du matériel dédié à l’Origami.