Après quelques essais d’orientation à l’aveugle qui se soldèrent tous (étrangement) par des échecs, nous nous faisons conduire par Mohamed El Quessny et Heba El Sherif dans le tout nouveau studio de Like Jelly.
Ce jour-là, une bande de jeunes s’activent autour d’un ordinateur. Ils nous saluent furtivement avant de retourner à leur occupation, dont nous comprenons l’importance par la suite : le site du festival Oshtoora, organisé par les membres de Like Jelly, sera lancé le jour même.
Like Jelly, de paroles engagées et de musique enjouée
A l’instar de leur musique, les membres de Like Jelly sont détendus et sympathiques. Leur aventure musicale à l’ironie cinglante commence en 2005 de manière informelle, puis se professionnalise petit à petit en prenant son réel envol avant la révolution, au moment où les revendications des jeunes explosent et débordent sous toutes les formes artistiques.
Pour exprimer les maux de la société dans laquelle ils vivent, les yeux lurons de Like Jelly (Mohamed El Quessny, Mokhtar El Sayeh, Ahmed El Dahan et Youssef Atwan) utilisent une combinaison de musique et de story telling, qui résulte en une expérience musicale qui dépasse le concert.
« Au fur et à mesure, on s’est rendu compte que c’était plus un show qu’un concert. L’interaction avec le public et l’humour importent beaucoup dans nos création » lance Mohamed El Quessny, surnommé Moe.
Lorsqu’on écoute Like Jelly, on ne peut s’empêcher de sourire, tant les paroles sont sarcastiquement drôles et les tabous sociétaux subtilement balayés. Cependant, la qualité musicale est également au rendez-vous et les voix des jeunes égyptiens vibrent avec une sélection d’instruments éclectiques : guitare basse, tabla, riq, dof, xylophone et harmonica. Like Jelly n’a pas de style particulier mais on peut sentir des influences musicales diverses, qui puisent leur source dans l’héritage chaabi égyptien mais revêtent aussi des reflets rock, rap et pop.
Tout en ayant des paroles profondes et engagées – qui leur ont d’ailleurs valu quelques problèmes – les membres de Like Jelly ne se définissent pas comme en ayant des positions politiques tranchées. Ils composent et jouent de la musique pour se détendre, détendre les gens et évoquer des sujets que vit la jeunesse d’Egypte et d’ailleurs. A la question « Pourquoi Like Jelly ? », Mohamed El Quesny déclare ne plus trop savoir pourquoi et m’avoue inventer une nouvelle histoire à chaque fois. J’imagine alors leur décontraction matérialisée dans la forme lisse, pâteuse et rougeâtre de la gélatine. Cette explication me plaît à moitié, mais je suis gagnée par l’esprit relâché du groupe.
Après être passés sur l’émission du célèbre Bassem Youssef, Like jelly ont vu leur carrière musicale décoller. Bien que certaines chansons soient ancrées dans les problématiques égyptiennes, les shows musicaux du groupe ont conquis le public Jordanien, Libanais et même Espagnol.
Oshtoora festival
D’une aventure à l’autre, en avril 2015, deux membres de Like Jelly, Mohamed El Quesny et Youssef Atwan, se sont embarqués dans la singulière entreprise d’un festival pluridisciplinaire.
Rassemblant les artistes du monde arabe et d’ailleurs, dans trois disciplines, pendant trois jours: Cinéma, Arts Visuels et Musique, Oshtoora s’est offert le cadre idyllique du désert pour sa première édition.
Du Maroc à l’Irak, en passant par le Soudan, le Liban et la Palestine, les artistes d’Oshtoora ont été choisis pour leur qualité et invités dans un espace vierge à l’ambiance unique.
« On cherchait un endroit à l’abri du chaos cairote car la nature du lieu a une réelle influence sur les productions musicales » nous explique Moe.
« Jouer dans un espace aussi sublime a permis de libérer des énergies musicales qui ont provoqué une synergie que nous n’imaginions même pas. A la fin du festival, les artistes se sont livrés à une jam session collective qui n’était pas du tout prévue et le résultat était d’un niveau musical incroyable. » lance Heba El Sherif, architecte de formation et co-organisatrice du festival.
Après avoir conversé avec les deux membres de l’organisation d’Osthoora, dont les yeux s’allument à la simple évocation du mot, nous sommes invités à poursuivre la discussion à la soirée qui couronne le lancement du site.
Au fil des discussions informelles et des projections des vidéos du palestinien Thamer Abu Ghazaleh, du marocain Mehdi Nassouli ou encore des libanaises Noel & Michelles, nous découvrons des bribes de la « Oshtoora expérience » qui donnent envie de vivre l’aventure.
Pour le choix des artistes, la volonté de l’équipe était de mettre en avant la richesse artistique de la région en promouvant des artistes connus et moins connus. La première édition du festival a permis d’interconnecter les sphères artistiques du Maghreb et du Moyen-Orient et de les faire découvrir à un public égyptien très réceptif à ce genre d’expérience interculturelle.
« Il n’y avait pas de style musical particulier, le seul maître mot était de faire connaître la scène artistique alternative ».
Que ce soit pour la musique, l’alimentation, les arts visuels ou le cinéma, Oshtoora a rassemblé des noms qui incarnent un renouveau artistique loin des sentiers battus du mainstream.
« Oshtoora ?», « ça ne veut rien dire en particulier, ça sonnait bien », me lance Moe, le sourire aux lèvres. J’avais presque oublié le maître mot de Like Jelly : décontraction.