C’est un nom mythique qui était appelé à jouer sur la scène du Bouregrag hier soir. Pour leur premier concert depuis leur récente reformation, Gnawa Diffusion a choisi de se produire au festival Mawazine. Et force est de constater que 20 ans après leurs débuts, le groupe algérien enchante toujours autant ses auditeurs. Retour sur un spectacle proprement incroyable.
Mais il est impossible de parler de la soirée d’hier sans rendre justice à Africa United, qui a occupé la scène avant Gnawa Diffusion, et qui, s’ils ont été accueillis par des sifflements plus que copieux d’un public venu seulement pour Gnawa Diffusion, ils ont réussi, en quelques instants, à retourner la foule en leur faveur et ont offert une prestation extraordinaire, se faisant longuement applaudir à la fin de leur set.
Mais, dès l’entrée en scène d’Amazigh Kateb et ses comparses, le concert prenait une autre tournure. C’est d’abord au classique Guelb ou dem auquel nous avons eu droit, une chanson où le groupe puise directement dans le répertoire Gnaoui classique, Guembri et Qraqeb en tête. Le public commence alors à basculer, petit à petit. Les vapeurs qui s’élèvent de la foule ne sont pas faites d’eau, pas plus qu’elles n’émanent de cigarettes. Et le groupe d’enchainer directement sur l’un de leurs plus grands succès, repris en chœur par l’intégralité du public : Ya Laymi. Le ton est donné, le groupe est là pour communier avec son public, il est là pour transformer ce concert en une nuit inoubliable où tout le monde pourra dire : j’ai chanté avec Gnawa Diffusion.
Avec Ouvrez les stores, le groupe nous rappelle à ce qu’il est, et ce qu’il sera toujours : un groupe engagé, un groupe qui dénonce à travers ses textes mi-arabe, mi-français, et qui ne fait pas dans la complaisance vis-à-vis de qui que ce soit. Et l’on découvre en live une des chansons de son nouvel album, Shock El Hal, Complice, une chanson engagée, une chanson qui engage, une chanson dont le leitmotiv n’est autre que les célèbres vers chiliens, El pueblo unido jamas sera venecido. Le peuple uni ne sera jamais vaincu. Amen.
Et c’est précisément quelques minutes après ce titre qu’Amazigh Kateb nous offre ce qui restera comme l’un des moments les plus insolents, les plus grandioses, les plus extraordinaires de l’histoire du festival : en plein concert, la musique s’arrête, seuls jouent le Oud accompagné de quelques notes de clavier. Et le chanteur d’offrir plus qu’une dédicace, un hommage à la jeunesse du 20 février. Sous la forme d’un poème où il reprend les slogans des manifestations du printemps arabe, il donne la parole au public, qui reprend après lui, mot à mot, comme en transe, un poème qui appelle le peuple à ne pas abandonner la lutte, à ne pas se laisser opprimer.
Sur la chanson suivante, c’est avec un joint qu’il revient sur scène. Un joint qu’il fume en chantant l’un des autres classiques du groupe, Bab El Oued Kingston. Les connaisseurs apprécieront. Les organisateurs moins, sans doute. Les chansons s’enchainent et ne se ressemblent pas, le public s’époumone et vit l’instant comme jamais. Viennent ensuite Malika et Malika Mouhtajiba, deux titres que le public connait par cœur également, deux titres qui s’enchainent, telle une histoire.
Et tout comme Amazigh Kateb sait ce qui plait au public, et il sait également l’embraser. En réservant son grand succès Douga Douga pour la reprise, dans une version enflammée, passionnée, on atteint le climax musical de la soirée. Un pied de nez, encore un, au système, au milieu d’un dispositif sécuritaire impressionnant. Avec Visa vie pour conclure la soirée, le groupe nous dit Salam Alikoum. Et bien Salam Alikoum Gnawa Diffusion, vous avez enchanté cette scène, et avez offert à Rabat l’un des plus beaux concerts qu’ait vu le festival.
Erratum : après vérification, il ne s’agit pas tout à fait du premier concert du groupe depuis son retour. Vous trouverez plus de détails ici. Merci à Cyprien pour sa vigilance !