Neuf ans après la sortie de La liqueur d’Aloès, Jocelyne Laâbi revient sur la scène littéraire avec Hérétiques qui met en scène l’épopée des Qarmates, chapitre passionnant mais peu connu de l’histoire de l’Islam. Ce roman, très éloigné du registre dans lequel l’auteur a longtemps écrit, marque, sans nul doute, un tournant dans la carrière de Jocelyne Laâbi.
Compagne d’Abdellatif Laâbi depuis bientôt 50 ans, Jocelyne n’a pas fait que frôler le monde des Lettres à travers l’expérience de son mari. D’abord secrétaire de rédaction, elle enseigne ensuite le français dans un lycée à Rabat puis devient réviseuse dans la presse en s’installant en France. Mais entre-temps, Jocelyne n’a jamais cessé d’écrire. Si ces dits-écrits furent certes pour la plupart des contes pour enfants, son don de conteuse y était indéniable et son talent d’écrivaine subtilement ressenti. Sentiment que les lecteurs de son premier roman « La liqueur d’Aloès » ont pu facilement confirmer. Dans ce roman paru en 2004, elle raconte son enfance et son adolescence au Maroc mais également ses années noires où son mari fut prisonnier.
Si les sentiers de l’Histoire sont souvent sombres et épineux, Jocelyne a choisi de s’aventurer dans l’un des plus périlleux : une partie de l’Histoire de la dynastie abbasside sur laquelle on veut faire l’impasse : l’histoire des Qarmates, une population chiite aux prétentions égalitaires qui a émergé au Xème siècle dans un califat abbasside faible et corrompu. Répandu dans l’Iraq, la Syrie et le Bahrein, ce courant avait réussi à semer la terreur dans l’ensemble de la dynastie.
Il est toutefois à souligner qu’en lisant Hérétiques, ce n’est point devant un cours d’histoire que l’on se retrouve. Loin de là, c’est une histoire légère et subtilement écrite qui rend agréable ce redoutable voyage dans le temps. L’effort déployé par Jocelyne pour restituer l’histoire des Qarmates est fort louable et son talent romanesque est admirable. L’auteur de Lounja l’ghzala n’a définitivement rien oublié de son don de conteuse.