Un abord timide, des yeux rieurs et un sourire plein de sincérité. Dès la première seconde où nous avons rencontré Hicham, nous savions que nous avions en face de nous un personnage authentique.
Nous nous donnons rendez vous ce jour là au Gran Café de Paris, en plein cœur de Tanger. Après avoir pris place à l’intérieur, à l’abri des klaxons retentissants et des vrombissements des moteurs, la discussion va bon train.
La photographie, une histoire passionnelle
Hicham évoque son parcours, sans détour, de La librairie les Insolites à Tanger à la Galerie 127 à Marrakech en passant par ses développements ultérieurs avec AFAC (fond arabe pour l’art et la culture), son histoire avec la photo se dévoile ainsi qu’une rencontre amoureuse. Alors qu’il travaille à la librairie des Insolites, son regard se pose un jour sur des livres de photographie. C’est le coup de foudre.
Il en parcourt d’abord avidement les pages et profite ensuite des expositions photographiques qui s’invitent à la galerie pour nourrir cette passion qui devient très vite dévorante. Au gré des jours et des rencontres c’est une histoire passionnelle qui nait alors entre le jeune homme et l’objectif. Passionnelle jusque dans les doutes, les errements, les moments d’inspiration exaltants et les rencontres, comme celle de Denis Dailleux lors de son exposition à La Librairie.
La photographie est une amoureuse exigeante, elle lui demande des sacrifices et n’est pas toujours facile à vivre en société. Il se cherche, commence par un appareil numérique puis se dote d’un argentique et commence une série en noir et blanc, en immersion dans son quartier natal à Tanger. Ces débuts sont une révélation, les photos de Hicham débordent de subtilité et d’émotion, on y sent transparaitre sa personnalité discrète et son sens poussé de l’esthétique. D’une série à l’autre, Hicham s’essaye à capter l’intimité des cafés, puis s’évade un peu plus dans la banlieue de Tanger, à la recherche des paysages vierges et dépouillés. Là bas, l’objectif se fait oublier dans l’infini, au lieu d’être perçu comme agressif et dérangeant pour les autorités comme au centre ville.
Une esthétique du prosaïsme
Epurées, flottantes, évanescentes, les photos de Hicham sont des déclarations à cette amoureuse secrète. Elles frappent par une poésie qui transcende le prosaïsme des paysages et fait naître la beauté des associations et des couleurs là où s’y attend le moins.
Hicham ressent le besoin de s’approprier l’espace avant de l’immortaliser. Il habite le lieu, sympathise avec les serveurs des cafés, pose l’objectif des heures durant et se fait oublier. Il nous parle longuement de son besoin de faire partie du paysage avant de l’immortaliser. La beauté de ses photos tient justement à ce paradoxe, tout en étant extérieur aux photos qu’il prend, Hicham existe dans chaque détail de l’image, il en connait les moindres éléments, tout semble y avoir un sens précis et y travaille la lumière, le mouvement et les couleurs avec une grande sensibilité.
Hicham nous raconte par exemple avoir pris sa photo à l’arrière du supermarché, en temps de pluie, en reposant plusieurs fois le caddie à un endroit précis pour que les gens s’en emparent. Après de multiples essais, c’est finalement l’agent de sécurité qui surveillait d’abord suspicieusement ses mouvements qui finit par être le parfait candidat à cette photo pleine d’éclat.
Dans ces photos qu’il orchestre si soigneusement on ressent aussi la force du moment, de l’instant, l’illumination spirituelle de l’inspiration. Par un clic, il capture un moment et le fixe dans l’éternel, cela lui vient parfois d’un coup, Hicham nous confie qu’« attiré par une scène ou une certaine lumière, il oublie tout ce qui se passe autour de lui ». Et d’ajouter « c’est très physique, tu bouges, il y a une sorte d’excitation qui est là et tu prends la photo».
Interrogé sur son statut et son message, Hicham répond avec une humilité qui aura jalonné notre rencontre. Il s’estime être un témoin, un observateur discret des transformations de sa ville, Tanger, de laquelle il puise l’essentiel de son inspiration pour l’instant. Des quartiers du cœur battant de la médina, aux banlieues à l’urbanisation grouillante et sauvage, Hicham observe et capture les métamorphoses aussi bien sociales qu’urbano culturelles. Son regard est celui d’un natif, avec un esthétisme qui attire l’œil mais non sans une vision profonde des sociétés qui l’entourent.