En octobre 2016, Riad Sattouf publiait le troisième volet de sa bande dessinée autobiographique à succès. Deux mois plus tard, l’Arabe du futur 3 est dans la sélection officielle du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2017.
Après deux tomes écoulés à plus d’un million d’exemplaires et de multiples récompenses (Grand prix RTL de la BD 2014, Prix BD Stas/Ville de Saint-Etienne 2014, Fauve d’Or du Meilleur Album au Festival d’Angoulême 2015, Los Angeles Times Graphic Novel Prize 2016), Riad Sattouf ne pouvait pas nous décevoir avec l’Arabe du futur 3.
Dans ce roman graphique dont les deux premiers volets ont déjà été traduits en 17 langues, le cinéaste et auteur de bandes dessinées connu pour La vie secrète des jeunes (dans Charlie Hebdo) ou Les cahiers d’Esther (Le Nouvel Obs) continue avec brio ce qu’il avait entrepris : le récit autobiographique d’une enfance passée au Moyen-Orient, entre une mère bretonne et un père syrien.
Sept ans, l’« âge de raison »?
Tome 3, nous retrouvons le jeune Riad où nous l’avions laissé, dans le village reculé de Ter Maaleh en Syrie, près de Homs, où il vit avec ses parents et son petit frère Yahya. Nous sommes maintenant en 1985, dans la Syrie d’Hafez al Assad, et Riad a sept ans. Elève modèle, assis au premier rang dans l’école du village, comme le souhaitait son père, le petit franco-syrien n’a pas perdu sa tignasse blonde lui valant les attentions de tous. Il continue à nous faire découvrir la vie de Ter Maaleh à travers ses yeux d’enfant… Mais d’enfant qui a un peu grandi.
A sept ans, Riad a peut-être atteint ce qu’on appelle l’ « âge de raison ». Son regard naïf qui a fait le succès de la BD continue de séduire et de faire rire. Mais il surprend aussi de plus en plus par sa finesse. Riad est plus lucide et distancé. Il a parfois un regard presque critique. Par rapport à son père tout d’abord, qu’il admirait inconditionnellement mais dont il commence à découvrir les faiblesses. Par rapport à ses parents aussi, dont il remarque que les relations se détériorent, sa mère supportant de moins en moins bien la vie en Syrie.
Alors que Riad découvre un peu le monde des adultes, des sujets plus sérieux sont abordés, comme la pratique du ramadan ou encore la circoncision. Et pour le jeune franco-syrien, ces questions se posent avant tout comme des questions identitaires. Pourquoi est-il le seul à ne pas jeûner ? Est-ce parce qu’il est juif, comme ses camarades de classe l’affirment ?
Le sujet de la corruption est également abordé à travers le personnage de Tarek, élève de son père Abdel, qui tente d’en acheter les faveurs (« C’est alors que je compris que son invitation au baptême, sa gentillesse et ce voyage étaient des cadeaux pour corrompre mon père »).
Entre violence, tendresse et éclats de rire
Très fréquemment, Riad nous apparaît comme « coincé » entre deux cultures, chacune gardant pour lui une véritable part de mystère. C’est avec joie que nous le découvrons enfin plus longuement en Bretagne, où il est scolarisé dans une école française pour quelques mois… Et, comme on aurait dû s’y attendre, Riad semble n’avoir jamais eu autant de mal à trouver sa place.
Dans ce tome, il y aussi Conan le Barbare, héros du film de John Milius, dont Riad admire la puissance et qu’il se met à imiter avec fougue. Et toujours le dessin, par lequel il s’affirme, en représentant souvent des scènes de barbarie. La violence, bien que moins vive que dans les précédents tomes, est toujours très présente : à l’école, où les professeurs frappent les élèves sans modération, et au quotidien dans l’entourage de Riad. Elle reste toutefois tempérée par une extrême tendresse et par certaines scènes tout à fait touchantes, comme lorsque Riad est aux anges chez sa tante Khadija (« L’odeur de sa sueur était très accueillante. Quand elle souriait, on avait l’impression que tout irait bien pour toujours ») ou lorsque les cousins de Riad écrivent leur lettre au Père Noël (« On veut les mêmes jouets que Riad. Même si on en reçoit que la moitié, on sera déjà contents. »).
Des personnages qui continuent à faire le succès de la BD
Bien sûr, comme dans les deux précédents volets, la troisième partie du récit autobiographique de Riad Sattouf doit une bonne partie de son succès au coup de crayon simple et efficace de son auteur… Et à ses personnages extrêmement expressifs, dont on hésite toujours à savoir s’ils sont réalistes ou caricaturaux – certainement les deux à la fois – mais qui, une chose est sûre, font franchement rire.
L’Arabe du futur 3 le confirme : le génie de Riad Sattouf est d’avoir su retrouver son regard d’enfant. Il nous plonge si bien dans ses souvenirs, non seulement par l’image mais aussi par le son, l’odeur ou encore le toucher, qu’on finit par se dire que pour avoir une mémoire aussi vivace, Riad les a tout simplement gardés intacts, ses yeux d’enfant.
Deux tomes sont encore prévus, et au vu des tensions accumulées par la famille Sattouf dans le tome 3, l’Arabe du futur 4 risque d’être explosif. Après 3 livres aussi réussis, on espère que les thèmes abordés ne deviendront pas redondants et que Riad Sattouf réussira encore à nous surprendre. Affaire à suivre !