SONITA – Le Flow de l’Espoir

Sonita Alizadeh est une jeune réfugiée afghane en Iran. Dès son jeune âge, elle a une ambition : devenir chanteuse. Décidée à réaliser son rêve, elle ne se décourage devant rien, défiant même l’autorité parentale pour se débarrasser du joug des traditions. Sonita, un caractère forgé et une témérité poignante à rencontrer rapidement dans les salles obscures.

Briser les carcans

Sur ses carnets d’écolière, Sonita regroupe les bribes de sa vie future. Une vie rêvée, une vie de star ! A elle, la villa avec piscine et la grande voiture, mais surtout la foule gigantesque qui réclame son nom après ses concerts. Des fans, elle en a déjà quelques unes. A la cour de récré, toutes ses camarades du centre de réfugiés répètent ses refrains d’une seule voix.

D’un rythme effréné, Sonita scande des paroles qui résonnent auprès de toutes les oreilles sensibles à un vécu difficile. Elle, qui a fui les talibans quelques années auparavant, pour venir vivre en Iran avec sa soeur, réussit à mettre en mots justes les raisons de sa rébellion. Elle témoigne ainsi de sa prise de conscience précoce et sa volonté d’agir pour changer les choses.

Forcée à se marier, selon la tradition afghane, qui implique l’attribution d’un prix fort à sa famille par son futur époux, Sonita refuse de céder à la pression. Elle dénonce ce « contrat de vente » dans une chanson. « Brides for sale » atteindra rapidement des milliers de vues et deviendra un hymne pour les jeunes femmes dans sa situation.

Le dilemme de la cinéaste

Derrière la caméra, Rokhsareh Ghaem Maghami pensait tenir un documentaire sur le quotidien critique que peut être celui d’une jeune afghane exilée en Iran quand le climax fut atteint.

Sans-papier, Sonita a pu compter jusqu’ici sur le soutien psychologique apporté par les éducateurs du centre qu’elle fréquente et qui lui permet d’accéder à une formation. Seulement, ils sont tous désemparés lorsque sa mère débarque de Herat pour l’emmener au pays avec elle. Le mariage du frère de Sonita est lui-même conditionné par la dot qu’elle recevra. Et, sa situation clandestine impliquait un grand départ et l’abandon d’une situation qui, bien que économiquement compliquée, garantissait à Sonita sa dignité.

L’atteinte de ce point Godwin fit basculer les trames narratives et du récit et de la vie de Sonita. Rokhsareh, bien que tiraillée entre les exigences de son rôle de réalisatrice et la complexité de la situation, ne pouvait plus se limiter à filmer le réel. Mutée en personnage, son intervention monétaire et son engagement personnel auprès de Sonita leur permettront d’obtenir un sursis de quelques mois de la part de la famille de la future rappeuse.

Zarghuna Kargar, Author and Journalist, BBC interviews Sonita Alizadeh, Rapper and Activist on Daughters For Sale at Women In The World London Summit, Cadogan Hall, London. 10/09/2015

Women In The World London Summit, Cadogan Hall, London.

L’envol de l’oiseau

Une course effrénée entre démarchage de sociétés de production et tournage de clip, Sonita ne lésine pas sur les moyens. Avec sa rage sublimée par sa passion et sa voix expressive, elle a bien eu raison d’y croire. Lors d’un Skype avec une des relations de Rokhsareh, Sonita apprend que son clip a été repéré par un organisme aux Etats-Unis qui s’apprête à lui attribuer une bourse pour étudier à la Wasatch Academy (dans l’État de l’Utah).

Un nouvel épisode de sa vie commence alors. Mais, avant, un passage par Kaboul s’impose. Il est temps pour Sonita de régulariser sa situation et d’obtenir ses documents civils. Epaulée par Rokhsareh, elle attendra d’arriver au pays de l’oncle Sam avant d’annoncer à sa famille que son voyage est finalement prévu pour une longue durée…

Aujourd’hui, Sonita intervient lors de nombreuses conférences pour témoigner de sa situation et donner à d’autres jeunes filles la force d’y croire !