On vous en parlait il y a quelques semaines, le film de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige est un documentaire se proposant de retracer l’aventure ambitieuse du programme spatial libanais, connu sous le nom de The Lebanese Rocket Society (النادي اللبناني للصواريخ), un programme unique dans le monde arabe, en avance tant sur son temps que dans sa région.
Le documentaire d’1h30 est globalement rondement mené et nous raconte comment, en 1960, sous la houlette du professeur Manoug Manougian, les étudiants de l’université Haigazian de Beyrouth vont développer tout un ensemble de fusées qu’ils vont tenter de lancer dans l’espace, et comment ils vont s’attirer les faveurs du pouvoir politique et les faveurs de l’armée libanaise qui voit dans ce projet une rampe de lancement pour créer des armes à longue portée.
The Lebanese Rocket Society apparait comme un message d’espoir : l’espoir d’un pays tout d’abord, le Liban, ridicule bande de terre, perdue dans un Moyen-Orient déchiré par les conflits et la guerre froide, un pays peu peuplé, pas très riche, l’espoir que ce pays pourrait un jour, grâce au génie et à la persevérance de ses étudiants, envoyer un objet dans l’espace, pourquoi pas des hommes.
Dans ce film, il y a bien sûr l’enquête. Les deux réalisateurs vont retourner dans les années 60, rencontrer les principaux acteurs de cette aventure extraordinaire et un peu étrange, reconstituer l’ensemble des pièces du puzzle à partir d’archives qu’ils vont soigneusement exhumer. Et surtout, au-delà de l’enquête, du travail scientifique, le film est un extraordinaire travail sur la mémoire collective et nationale, et il va s’interroger sur les raisons d’un oubli, les raisons d’une amnésie collective sur ce qui fut pourtant à l’époque un motif de fierté incroyable pour ce petit pays qui n’a jamais su s’assumer en tant que nation, et alors que ce projet apparaissait comme un ciment crédible à la nation libanaise.
En interrogant la mémoire de leur pays, mais également des acteurs du projet, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige voient sans doute beaucoup plus loin : il est bien sûr ici question de cette nostalgie inévitable dès lors que l’on parle du Beyrouth d’avant la guerre, celui-là même qualifié de Dolce Vita dans le film, mais il est avant tout question d’avenir : le film est un message d’espoir, à une époque bien sombre pour les pays arabes, tant en termes sociétaux que scientifiques et intellectuels, et la mise en place d’une statue de l’une des fusées du programme, Cedar 4, au sein des locaux de l’université Haigazian, apparaît comme une invitation des réalisateurs à retrouver au Liban, et ailleurs, un certain esprit d’initiative. Et si l’on peut regretter quelques longueurs, telle la séquence d’animation un peu psychédélique qui conclut le film et qui aurait gagné à être moins longue, le documentaire n’en est pas moins passionnant, tant par le sujet traité que par la manière dont il est abordé. The Lebanese Rocket Society est un film à regarder et à faire regarder. Un message d’espoir et la preuve que la volonté et l’ardeur à la tâche sont les carburants essentiels à tout projet, et que l’on ne peut, que l’on ne doit jamais excuser le monde arabe d’être à la traîne scientifiquement.
Visionnez la bande-annonce du film :
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