Tammam Azzam, artiste de guerre

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Un artiste est un dispensateur de vie. Tammam Azzam, peintre syrien de 32 ans, va la puiser à sa source la plus violente, la plus immédiate. Une guerre quotidienne qui fait rage, détruit vies et habitations.

Ses dernières œuvres relèvent du street art visuel. Tammam Azzam juxtapose la danse de Matisse sur des ruines, le baiser de Klimt sur un mur damascène contusionné, dessine la Syrie en sang.  Il opère en démiurge, transposant les grandes icônes de la peinture occidentale à un territoire de guerre où les murs criblés de balles sont les plans d’expérimentation du réel. On redécouvre les figures emblématiques de l’académie du fine art avec de nouveaux yeux. Le sourire mystérieux de la Joconde se fait cynique et résigné, la joie des angelots de Matisse désabusée. La récrimination sous-jacente est limpide : il accuse les velléités criminelles de l’opinion internationale. L’on vogue à nos vies – l’on danse et l’on s’amourache – alors que le statu quo a emporté plus de 41.000 personnes depuis le début de la révolte. Le contraste est poignant, l’ironie qui s’en dégage est émouvante, pleine d’espoir.

Si cette lecture verticale de son œuvre peut paraître dénuée de subtilité, son créateur lui-même s’en réclame. Il refuse de considérer que l’art  a une mission d’engagement. « Je ne crois pas en l’art comme une mission. Qui a dit que l’art rendait service au peuple ? » Contrairement aux artistes phares du street art, dont Banksy a qui il a été comparé, ses œuvres ne présentent pas de sens caché. Elles se comprennent comme elles viennent, se suffisent à elles-mêmes. Ainsi, Azzam ne dédaigne pas cette peinture qui ne sait que peindre.

La politique de l’émotion

L’engagement politique de l’artiste n’est pas mis en filigrane dans ses œuvres, et c’est précisément cette lecture au premier degré, sans facéties ni détournements, qui fait que son œuvre est in fine de l’art pour l’art. L’engagement se fait émotion, la politique en est dénaturalisée. On passe de la realpolitik et de la cruauté d’un monde régi par le paradigme westphalien à une politique de l’émotion. L’engagement en devient une demande performative, une promesse, une prière, une requête. Les dernières œuvres de Tammam Azzam sonnent alors comme un long cri plaintif contre cette violence prégnante qui devient  épidermique.  La souffrance et le tragique sont ici les voies trop humaines d’une œuvre qui doit « brûler des formes pour gagner la vie« .

Plus que tous autres travaux plastiques du moment, son œuvre atteste que la vie traverse les figures inhumaines de la guerre, et démontre qu’au temps où le monde se détourne d’une cruauté qui le dépasse, le poétique fait force de politique.

 

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