Station, pour un art contemporain accessible

En passant devant Achkal Alwan et le Beirut Art Center, notre chemin nous mène aux façades noires de Station dont les sept lettres blanches se détachent sur un fond de jais.

Une fois à l’intérieur, Rosie nous propose de faire un tour dans l’espace d’exposition, avant de la rejoindre pour une discussion. Nous flânons alors dans la salle voisine, en visionnant les vidéos de l’exposition « Memory & Oblivion », qui questionne le rapport entre la mémoire et l’oubli ; dont l’essence est inséparable de la notion de distorsion du temps.

Mon regard se pose inévitablement sur les vidéos de Mounir Fatmi, qui explore le mystère de l’affaire Benbarka qui a agité les passions politiques marocaines et continue de fasciner encore aujourd’hui. De souvenir, en souvenir, au rythme des voix et des images ; Mehdi et moi continuons de tourbillonner d’une vidéo à l’autre, perturbés par la réflexion torturée de certaines. Et puis, la voix de Rosie nous sort de cette rêverie imagée pour nous présenter l’espace.

Station "Memory & Oblivion"

Station « Memory & Oblivion »

L’histoire de station

C’est en 2013 que Nabil Canaan réinvestit une ancienne usine désaffectée pour en faire un espace artistique. Il s’entoure alors de Leila Alaoui – photographe marocaine de renom, qui a récemment exposé à la biennale de la photographie arabe à Paris– à la direction artistique et Rosie qui a plus de vingt ans d’expérience dans le milieu de la culture. L’idée est de monter une plateforme qui puisse accueillir des expositions, conférences, et rencontres autour de l’art, de la musique, du lifestyle et du design. Loin des sentiers battus académiques qui peuvent parfois être ésotériques, l’approche de station est plus simple et sincère mais avec un positionnement clair et assumé sur l’art contemporain. Au-delà de la promotion artistique libanaise, Station veut également se placer comme un acteur régional, qui connecte entre eux les talents du Maghreb et du Moyen Orient et qui construit des ponts avec la scène artistique internationale. Pour ce faire, Station est dotée d’un grand espace dont le décor minimaliste et la fonctionnalité lui permet d’épouser tous les types d’installations artistiques qu’on lui propose.

Mais si l’espace accueille des expositions de tous les arts, le cœur de métier de Station reste les arts visuels, les performances et le digital, qui s’avèrent être également les moyens d’expression privilégiés de ses fondateurs.

Avec une programmation de qualité faisant appel à des curateurs internationaux et une succession d’évènements qui ne laisse place à aucun vide, Station a réussi le défi de se faire une place au sein du quartier des institutions artistiques beyrouthins.

Les rendez vous de Station

En plus des expositions qui se succèdent dans l’espace et explorent des thèmes toujours en relation avec la ville et son univers, Station a des rendez-vous phares qu’il ne faut pas manquer. Photomed est l’un d’entre eux. Né à Sanary, sur la côte varoise en France, Photomed s’est appliqué à inviter les artistes émergents des pays méditerranéens à participer à son événement annuel. Depuis six ans, le festival Photomed met en scène et en lumière les beautés de la Méditerranée. Du témoignage documentaire à la pure expression plastique, la photographie est une écriture, un moyen de comprendre le monde en variant les points de vue. En 2014, Photomed s’installe au Liban et Station fait partie des espaces qui l’accueillent. Cette année, vous pourrez donc découvrir jusqu’au 20 février les photographes espagnols Toni Catany, Alvaro Sanchez-Montanes et Luis Vioque, les Italiens Alessandro Puccinelli et Angelo Anolino, le collectionneur espagnol Gabino Diego, les Français Edouard Boubat, Emma Grobois et Arno Brignon. Le Liban est lui représenté par Randa Mirza, Karim Sakr et Elise Haddad, mais aussi à travers un partenariat avec cinq galeries beyrouthines.

Un autre rendez-vous à ne pas rater à Station s’intitule Homeworks. Il s’agit d’une biennale pluridisciplinaire qui a animé de nombreux espaces artistiques libanais pendant deux semaines. Initié en 2002 par l’Association Ashkal Alwan, le festival pluridisciplinaire Home Works est devenu au cours des années un événement phare de la scène contemporaine régionale. Une centaine d’artistes, commissaires, auteurs, intellectuels, seront réunis à Beyrouth du 11 au 24 novembre autour d’un programme d’expositions, de performances, de projections, de publications, de discussions et d’ateliers.

Enfin, la spécificité de Station, ce sont aussi ses marchés de Noël, ses marchés du design et ses dégustations culinaires ; contribuant à brasser les publics et à décomplexer la conception des espaces artistiques en les rendant plus accessibles. C’est d’ailleurs dans cette même veine que s’inscrivent les nombreux concerts de musique alternative et fraîche comme Hello Psychaleppo, Khebez Dawle, Tanjaret Daghet, Aziza, Zeid and the Wings, Safar et Poly entre autres.

Station c’est donc tout cela à la fois, un espace dédié à l’art contemporain et aux expositions pointues avec un esprit jeune, pluridisciplinaire et décomplexé.