Femme « gravée », dans les mémoires cette année

«Femme gravée : le tatouage berbère, art et tradition » est la nouvelle exposition annuelle, en cours jusqu’à fin octobre 2018, à la fondation Dar Bellarj pour la culture vivante à Marrakech. Une exposition collective autour du tatouage dans le passé et dans le présent, en Tunisie, mais aussi au Maroc, et dans la culture berbère en général.

Inaugurée le 16 décembre dernier et curatée par Maha El Madi, l’exposition « Femme gravée » est le résultat de la résidence de nombreux artistes : Maha Mouidine, Moulay Youssef El Khafai, Nour Eddine Tilsaghani, Wassim Ghozlani et Marouane Bahrar.

Le travail du photographe et vidéaste Nour Eddine Tilsaghani, avec ses « Tatoueuses des tapis », a d’abord aiguisé notre curiosité. En effet, ce travail est installé dans la salle obscure de la fondation, dont l’entrée est couverte par des rideaux noirs pour gagner davantage d’obscurité et d’intimité. Pour y accéder, un petit passage piéton jaune à suivre, que l’on retrouve également à l’intérieur.

Celui-ci nous rappelle d’ailleurs le travail antérieur de cet artiste : « Passage protégé ».

Nour Eddine Tilsaghani

« Tatoueuses des tapis » met l’accent sur les mêmes motifs décoratifs existants, sur les tapis, et sur les visages ou les mains des femmes, à travers une quarantaine de portraits, réalisés avec la collaboration des « femmes ou mamans douées », qui sont celles inscrites aux ateliers de la fondation. En face de ce patchwork, d’où surgissent des fils colorés – faisant référence aux fils des tapis – une installation vidéo des femmes qui tissent des tapis. Celle-ci se trouve derrière un petit rideau de fils, que l’on doit dégager légèrement pour voir les vidéos projetées, en boucle, sur tous les murs de la pièce.

Nour Eddine Tilsaghani

Dans le même décor, « Le musée éphémère du tatouage » au sous-sol de la fondation sans lumière. Conçu par le photographe tunisien et fondateur de la Maison de l’Image à Tunis, Wassim Ghozlani, ce musée éphémère révèle la différence entre le tatouage berbère des grands-mères (ou Oucham) et le tatouage de la nouvelle génération. Des vidéos montrent de jeunes tunisiens tatoués pour des raisons autres que la pratique ancienne, comme, l’appartenance tribale, la protection contre le mauvais œil et le tatouage réalisé lors du passage à l’âge adulte.

Ces deux générations et donc ces deux visions différentes du tatouage sont séparées, et proposées dans les deux couloirs composants le sous-sol. Les projections des vidéos sur les murs sous forme d’une arcade garantissent ainsi un bel effet de manière que les images de droite se rencontrent sur le toit avec celles de gauche.

Wassim Ghozlani

Wassim Ghozlani

A côté des gravures colorées de l’artiste peintre Moulay Youssef El Khafai, il y a la révélation de l’exposition, une jeune artiste graphiste : Maha Mouidine. Elle nous dévoile ses « Poteries savantes », à travers une installation de poteries suspendues et tatouées avec du Tifinagh, dont elle est passionnée. Ces poteries, fabriquées par Mama Aicha, démontrent le savoir-faire de cette grande dame. En effet, cette femme de 65 ans est parmi les dernières artisanes à maîtriser ce métier. Elle vit dans un petit village de potières, Ain Bouchrik, dans la région de Taza au nord-est du Maroc.

Moulay Youssef El Khafai

Maha Mouidine

Un peu plus loin, le photographe Marouane Bahrar et ses portraits en noir et en blanc des femmes tatouées. Spécialisé en grandes profondeurs, cet artiste est parmi les pionniers au Maroc dans la prise de vue subaquatique. Il fait actuellement partie de l’équipe du Musée Yves Saint Laurent de Marrakech et du musée berbère au Jardin Majorelle à Marrakech, en tant que régisseur audiovisuel.

Enfin, nous découvrons encore des portraits en noir et blanc des femmes tatouées, mais cette fois-ci réalisés pendant le protectorat français, par l’ethnologue Jean Besancenot. Il s’agit  d’une collection du musée berbère à Marrakech.

Marouane Bahrar

Jean Besancenot